Péripéties judiciaires

C'est bizarre d'écrire cette phrase parce qu'on y croit pas du tout. Impossible parce que, sans doute, il existe trop de souvenirs communs. Christian Cochet était un avocat pénaliste à l'ancienne: il défendait des délinquants qu'il connaissait depuis longtemps et dont la famille, souvent, connaissait par coeur le chemin de son ancien cabinet, niché dans une grande maison du boulevard de la Marne à Tourcoing. Christian Cochet, on le méritait, il n'était pas ami avec tout le monde. Lorsqu'on était journaliste, on le savait: ce n'est pas le genre d'avocat qui préférait son intérêt à voir sa bobine dans les journaux plutôt que l'intérêt de son client.

Sous son air bourru, il cachait un coeur d'or: si cette phrase passe-partout a un sens, elle dépeint parfaitement Christian Cochet capable de ne pas dire bonjour parce que, vraiment, une réflexion ne lui a pas plu. Capable aussi, un soir de tristesse, de rassurer pendant des heures sous la pluie un ami qui a de la peine...

Christian Cochet était de gauche. Proche de Jean-Louis Brochen, qui avant d'être le mari de Martine Aubry, a été le bâtonnier de l'ordre des avocats de Lille, proche de Renaud Tardy à Roubaix, copain à la vie à la mort avec Frank Berton. Christian Cochet avait un rapport très direct avec ses amis de gauche, avocats ou pas. Ses exigences, son indépendance d'esprit l'empêchaient définitivement d'être un "responsable" car Christian Cochet ignorait une fois pour toutes la langue de bois et les concessions.

Son indépendance d'esprit l'avait d'ailleurs conduit, voici plus de 20 ans, à être un compagnon de route des papas à qui on retirait allégrement leur enfant sous le prétexte d'un divorce ou de la priorité absolue aux mères. Il avait perçu avant les autres les dérives du "féminisme victimaire". J'ai dit du "féminisme victimaire" pas du féminisme.

Cet avocat pénaliste s'était fâché bien entendu avec du monde. Pas toujours facile de défendre un accusé que tout accuse. Toutefois, quand on le fréquentait, on s'étonnait souvent des amis, prêts à se mettre en quatre pour lui, qu'il possédait dans tous les milieux. Chez Christian Cochet, un engrenage cachait un engrenage qui cachait un autre engrenage... Au hasard de sa vie de baroudeur du barreau, il avait aussi semé des amis fidèles partout. Et quelquefois, dans l'ombre, il conseillait un ami comme le député socialiste Bernard Roman qui, lorsqu'il était président de la commission des lois à l'Assemblée, était en train d'inventer le "juge de la liberté et de la détention" (JLD).

Nous n'osons pas penser à sa femme, à ses filles, à sa grande maison du boulevard de la Liberté à Tourcoing qui a reçu tant d'amis... C'est trop tôt, il n'est pas encore mort, ce n'est tout simplement pas possible... Adieu, Christian.

Didier Specq