Péripéties judiciaires

Quoique, aujourd'hui, on reprocherait à Lino Ventura de fumer en présence des enfants dans sa voiture ou son salon... Il n'empêche que, à l'écran comme dans la vie, Lino Ventura a souvent été la figure même du bon père de famille.

Marc X., un Tourquennois âgé de 38 ans, n'est pas Lino Ventura. C'est un homme confronté au chômage et à la rupture familiale aussi. "En quelques semaines, j'ai tout perdu, ma femme, ma famille, mon fils, mon boulot" lâche-t-il dans un souffle devant les magistrats. Un penchant pour l'alcool de l'ancien menuisier n'arrange pas les choses: dans un dossier qu'il tient serré contre lui, il y a toutes les attestations qui prouvent qu'il soigne son addiction. Détail: il n'a jamais été condamné.

Le 1er mars dernier, il lui arrive une curieuse aventure. Ce soir-là, dans son très modeste appartement où il vit seul, il reçoit son fils qui va bientôt avoir 6 ans. Tout va bien: un "kébab" au café du coin avec l'enfant en guise de repas festif, des conversations et des jeux avec l'enfant, un petit dodo là-dessus... Un petit bonheur dans une vie qui n'en compte plus beaucoup.

Toujours est-il que, sur le coup de 5 heures du matin, l'enfant fait un cauchemar. Rien ne va plus: il veut rentrer chez sa mère. Le père lui explique que ce n'est pas possible en pleine nuit, qu'il verra sa mère dès le lendemain. L'enfant consolé se rendort, le père aussi. Détail: le père a un peu bu ce soir-là.

Or, quand le père se réveille en sursaut à 6 h du matin, il constate avec horreur que son fils n'est plus là, il n'est pas aux toilettes, il n'est plus dans la maison. Son fils, profitant de la présence des clés sur la serrure de la porte d'entrée, est parti en emportant sa trottinette.

Marc X. part immédiatement à sa recherche, il alerte immédiatement le commissariat et son ex-compagne. On va retrouver rapidement l'enfant qui déambule en pyjama dans les rues de Tourcoing en cherchant à retrouver le domicile de sa mère. Tout va bien, il est sain et sauf.

Quant à Marc X., il se retrouve en garde à vue. D'abord, on le soupçonne d'avoir frappé son fils mais l'expert est formel: aucune trace de coup récente ou ancienne. "Durant sa garde à vue, alors qu'il est terrorisé par la disparition de son fils, on ne lui a pas dit tout de suite qu'on l'avait retrouvé sain et sauf" souligne son avocat, Me Nicolas Vanden Bossche.

Car, bien entendu, on a trouvé dans le code pénal de quoi poursuivre le père de famille (avec bien sûr toutes les conséquences immédiates pour les visites de son fils qu'il n'a pas vu depuis): "soustraction par un parent à ses obligations légales compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant". Vous allez me dire: "Mais il est arrivé à tous les parents qu'un enfant, par surprise ou peut-être par négligence, échappe à la garde de ses parents et qu'on retrouve l'enfant sain et sauf un peu plus tard? Un enfant perdu sur une plage par exemple, ça arrive! On peut être poursuivi pour ça?".

Certes, certes, tout le monde peut être poursuivi pour ça. Avant, c'était un manquement grave. Mais, dans le code pénal, au hasard d'une loi Perben, on a durci le texte en enlevant le mot "grave". Ceci dit, rassurez-vous, on a parfois un peu l'impression que ce sont plutôt les pauvres qu'on embête préférentiellement.

Donc Marc X., en fin d'audience vers 21 h, a dû s'expliquer (après les dealers et les agresseurs en tous genres qui passent avant parce que détenus) sur ces événements du 1er mars 2012. La procureure a estimé que ce n'est pas trop grave effectivement et a réclamé deux mois avec sursis. C'est vrai, sur un casier judiciaire, deux mois avec sursis pour une "soustraction par un parent à ses obligations légales", ça facilite la vie et les droits de visite d'un pauvre père de famille dont la femme, depuis, est partie dans le sud de la France avec son fils!

Me Nicolas Vanden Bossche, dans sa plaidoirie, a souligné que, pour lui, le père de famille n'a commis aucune faute:

Après la brillante plaidoirie de l'avocat, le président Hoc Pheng Chhay a annoncé au final la relaxe du père de famille. On souhaite bon courage à l'innocenté pour la suite de sa vie sociale et familiale...

Didier Specq