Péripéties judiciaires

On se souvient de la mise en examen spectaculaire à Lille de Dominique Strauss-Kahn pour "proxénétisme en bande organisée". On sait que cette mise en cause a plutôt tendance à faire "pschitt" et qu'il est bien peu probable que le dossier aille aux assises. Comme le voudrait pourtant cette mise en examen avec la circonstance aggravante de "bande organisée". On se souviendra aussi que le "viol en réunion", un moment évoqué, n'a finalement été reproché à aucun des protagonistes de ce dossier.

Une chose est sûre: entre les batailles procédurales devant les juges d'instruction lillois et la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai, les avocats de DSK ont eu du boulot. Même si, au final, le dossier, au moins pour DSK, ne débouchera au grand maximum que sur une petite condamnation avec sursis.

Avec le divorce annoncé, Dominique Strauss-Kahn va poser une nouveau problème aux avocats. Si effectivement son épouse est infiniment plus riche que lui, DSK va peut-être demander une prestation compensatoire. Oui mais si le divorce est à ses torts? Eh bien, justement, depuis la loi du 26 mai 2004, la prestation compensatoire n'est plus liée aux éventuels torts de l'un ou l'autre des membres du couple dissous. A moins que, "si l'équité le commande", le dernier alinéa de l'article 270 du code civil permette tout de même de refuser à DSK une indemnité compensatoire. Du boulot en perspective encore pour les avocats de DSK.

Récemment, l'hebdomadaire VSD a remis en vedette DSK. Cette fois, il s'agit d'une photo: DSK, en Corse, a l'air de filer le parfait amour avec une accorte jeune femme. On aperçoit la silhouette de la dame, pas son visage. On peut voir le visage attentif et affectueux de DSK. Indéniablement, il s'agit d'une atteinte à la vie privée.

Mais les magistrats suivraient-ils les avocats de DSK si celui-ci portait plainte? Oui, théoriquement. Mais les dommages et intérêts (c'est-à-dire les sommes à régler qui intimideraient vraiment l'hebdomadaire) sont décidées elles-aussi par les juges. Aucune règle réelle n'existe dans le domaine de la presse. A combien évaluer le préjudice?

En réalité, les magistrats appliquent une sorte de jurisprudence implicite. Prenons l'exemple de Valérie Trierweiler. La compagne du président de la République a été prise en photo et le cliché est paru dans VSD: Valérie Trierweiler apparaît en maillot de bain dans VSD. Plainte. Les magistrats donnent raison à la compagne du chef de l'Etat mais n'accorde que 2000 euros de dommages et intérêts. Minable! Pas de quoi intimider l'hebdomadaire qui, bien sûr, a gagné bien plus d'argent avec son scoop!

Pourquoi les magistrats agissent ainsi? Parce qu'ils estiment que Valérie Trierweiler sait utiliser la presse, est journaliste elle-même, a un rôle quasi officiel en étant la compagne du président et qu'elle sait bien que, en prenant le soleil sur une plage très fréquentée, elle prend le risque d'apparaître publiquement et donc d'être photographiée. Le cliché publié n'est donc pas aussi condamnable que la photo de la famille d'un chanteur (Cabrel ou Goldman par exemple) qui jamais ne se sont servis de l'exposition de leur vie privée dans la presse et observent une discrétion totale sur leurs proches. Eux auraient touché les dommages et intérêts maximum.

DSK est donc dans ce cas. S'exposer en Corse avec cette jeune femme pousse en quelque sorte les journalistes à prendre la photo. Si les avocats de DSK déposent plainte, ils risquent d'obtenir une petite victoire plutôt ridicule. Si les avocats de DSK ne portent pas plainte, ils risquent de donner implicitement une autorisation aux autres journalistes de prendre des photos volées. Telle est la question. Bref, encore du boulot pour les avocats.

Didier Specq