Péripéties judiciaires

C'est l'histoire de deux habitants de Marcq-en-Baroeul qui ont la main verte. Détail important pour ceux qui ne vivent pas dans l'agglomération lilloise: Marcq, situé à quelques kilomètres des quartiers déshérités de Roubaix et Tourcoing ou de ceux de la ceinture sud de Lille, est réputée pour être une banlieue chicos dotée d'ailleurs d'un député-maire UMP (par ailleurs ancien avocat).

Tout commence donc, à Marcq, par une patrouille de police qui aperçoit dans la nuit trois "cigarettes coniques" briller dans la nuit. Les trois fumeurs de cannabis en public à Marcq (c'est d'ailleurs peut-être là que se situe le véritable scandale pour les interpellateurs) sont interpellés. Sur l'écran du téléphone portable de l'un d'entre eux, les policiers aperçoivent des plants de cannabis en parfait état de marche! Perquisition immédiate chez Abdelkader B., 25 ans, qui vit avec sa petite amie, Marine P., 22 ans. La police découvre dix pieds de cannabis en pot. Avec les lampes à sodium, les ventilateurs, les engrais et les modes d'emploi assortis.

Marine et Abdelkader travaillent tout à fait régulièrement, la première chez un marchand de vêtements comme vendeuse, le second comme cuisinier dans un grand restaurant lillois.

Les deux, jamais condamnés, se retrouvent illico en comparution immédiate. Quelques questions se posent. Est-ce qu'une telle perquisition aurait eu lieu à Roubaix ou dans une autre zone similaire où les fumeurs de cannabis dans la rue ne sont pas rares? Est-ce que la découverte de dix pots de cannabis chez un couple qui travaille auraient entraîné des poursuites ou le dossier ne se serait-il pas trouvé au bord du classement sans suite? Le couple serait-il apparu illico en comparution immédiate? Le seuil de tolérance n'est-il pas plus bas à Marcq qu'à Roubaix?

On nous répondra bien sûr que non et que, partout sur le territoire de la République, les lois sont appliquées de la même façon.

Il n'empêche qu'à l'audience la procureure n'hésite pas à réclamer 12 mois de prison dont 6 avec sursis mais avec mandat de dépôt contre le prévenu. Et six mois de prison avec sursis et mise à l'épreuve contre sa petite amie... On sourira bien entendu de la douceur étonnante, comme souvent, des réquisitions dès lors qu'il s'agit d'une femme qui pourtant a commis à peu près les mêmes actes que son compagnon. Mais passons.

Revenons sur la prison ferme demandée à l'égard d'un cuisinier qui n'a pas fait grand-chose (surtout si l'on compare à l'ordinaire des jugements lillois), qui n'a jamais été condamné et qui travaille régulièrement. Là, visiblement, le cas de cet habitant de Marcq est hors normes car, surtout pour un primo-délinquant, une peine de prison ferme dès la première comparution n'est requise contre que contre un trafiquant déjà bien établi.

Ceci dit, la chambre des comparutions immédiates, mardi 9 octobre, fera litière de l'essentiel des réquisitions de la procureure puisque la présidente Hélène Judes annoncera un jugement de clémence: Abdelkader s'en sort avec 8 mois de sursis simple et une amende de 750 euros. Quant à la jeune femme, elle ne fera pas non plus grimper les statistiques de la délinquance féminine puisque (bien que les pots de cannabis prospéraient dans la chambre du couple!) elle est carrément relaxée.

Didier Specq