02/11/2012

Un peu seul...

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Quatorze ans, victime, son affaire passe tard dans la soirée.

L'histoire passe comme ça, entre deux affaires assez lourdes de stupéfiants, tard dans la soirée de mardi au tribunal de Lille. Le président Bernard Lemaire s'étonne: "Les affaires d'agression sexuelle ne sont pas, d'habitude, audiencées dans cette chambre". Il est vrai que ce dossier est particulier: ce sont des agressions sexuelles commises par une femme sur un adolescent. La prévenue, une habitante de Tourcoing, affiche 42 ans. La victime compte 14 printemps et un petit déficit intellectuel et affectif.

Or, dans le système judiciaire français, les rapports sexuels complets, s'ils sont imposés à un jeune âgé de moins de 15 ans, ne sont pas traités de la même façon selon le sexe. Pour une raison simple: le viol (un mineur ne peut pas, juridiquement parlant, être consentant) est une pénétration, selon la loi, d'un organe sexuel dans le corps de la victime ou la pénétration d'un objet dans un organe sexuel de la victime. La femme (sauf si elle utilise un objet) ne pénètre pas. Donc une fellation imposée à une jeune fille est juridiquement un viol alors qu'une fellation imposée à un adolescent n'est pas un viol.

Ici, dans l'affaire qui nous concerne, la prévenue avoue avoir "fait l'amour" de "toutes les façons" et parle tout de même également de "pénétration". Mais, visiblement, la justice ne s'est pas posé la question.

L'histoire est la suivante. La prévenue, une solide quadragénaire, explique sans culpabilisation excessive qu'elle venait de subir une rupture avec sa compagne habituelle. Elle est donc très triste et elle se rapproche de cet adolescent un peu esseulé qui vient souvent chez elle. Les parents de ce dernier sont des proches de la prévenue. Bref, de fil en aiguille, l'adolescent reçu le week-end prend de plus en plus le chemin du lit de la prévenue. "Il était si malheureux chez lui" affirme la jeune femme. "Mais c'est vous qui deviez refuser ces relations sexuelles! C'est vous l'adulte! Vous regrettez?" s'inquiète le président. La prévenue regrette. En tous cas, ça devait pas si bien fonctionner que ça dans la tête de l'adolescent, puisqu'il a fini par en parler. Plainte des parents après plusieurs mois d'abus sexuels sur leur fils.

Qu'est-ce qui se passe alors? Pas grand-chose: pas d'instruction judiciaire, une garde à vue, une simple convocation pour la présumée auteure des faits devant le tribunal, la prévenue ne sera pas placée sous contrôle judiciaire. On imagine le tollé si un homme de 42 ans avait fait d'une adolescente de 14 ans, même consentante, sa maîtresse habituelle...

Cette situation agace Me Anna Barois, l'avocate qui assiste les parents. En défense, on insiste sur la situation du jeune homme: même s'il a fini plus ou moins par "dénoncer" les faits, il était pour l'essentiel consentant. La prévenue, défendue par Me Pierre Slomiany, est condamnée à un an de prison avec sursis et mise à l'épreuve, interdiction de fréquenter l'adolescent victime, plus des dommages et intérêts.

Didier Specq

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