07/11/2012

Mariage homosexuel: le débat "annexe"...

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Le gouvernement va s'employer à déminer le "mariage pour tous"... Pas facile.

S'il s'agissait simplement de dire que le mariage est une histoire d'amour, d'affirmer que des personnes du même sexe peuvent éprouver un sentiment amoureux aussi intense et aussi honorable que les hétérosexuels, de protéger en un mot comme en cent tous les amoureux, tout ça ne poserait finalement pas trop de problèmes... Au final, il se trouverait une grosse majorité pour approuver de telles bonnes intentions.

Bien sûr, sur ce point précis (la protection d'un sentiment amoureux homosexuel), des aménagements peuvent être apportés: le mariage civil ouvert aux homosexuels permet en effet au conjoint d'hériter de son compagnon même en l'absence de testament, le legs au dernier vivant est possible s'il y a des enfants, l'un des conjoints peut recevoir la pension de réversion en cas de décès de l'autre, l'adoption devient possible.

C'est ce que le gouvernement appelle un "mariage pour tous", une formule qui permet de mettre dans sa poche tous ceux qui prétendent être contre toutes les discriminations (les unions incestueuses entre adultes, les unions à plus de deux, etc, en sont cependant exclues même si certains évêchés en évoquent le danger).

La seule question qui semble vraiment poser problème, c'est celle de l'adoption. Pourtant, cette question restera très marginale. D'abord, alors qu'il existe 25.000 demandes d'adoptants français, il n'y a "que" 600 enfants adoptables en France. Même en mettant en place, toujours au nom de la non-discrimination, un "quota" d'adoptants homosexuels, on voit bien que, de toutes façons, les enfants adoptés par un couple d'homosexuels ne seront pas très nombreux. Reste alors l'adoption internationale. Mais, de plus en plus, les pays anciennement du Tiers-Monde éprouvent des réticences à "donner" leurs enfants adoptables à des étrangers plus riches. Ils préfèrent de plus en plus les réserver à leurs propres classes moyennes qui se développent. Par ailleurs, beaucoup de ces pays apprécieraient peu que "leurs enfants" soient adoptés par des homosexuels. La voie de l'adoption internationale risque donc de ne pas répondre aux attentes des couples homosexuels désirant adopter.

C'est à ce point précis de la discussion que le gouvernement entend arrêter le débat sur le"mariage pour tous" car l'adoption pour les couples homosexuels risque de déboucher fatalement, pour répondre à la "demande", sur la question de la "gestation par autrui". Autrement dit, la question des mères porteuses qui abandonnent contre argent leur enfant à la naissance. La "location" à l'échelle internationale du ventre des femmes pauvres pour satisfaire les demandes des classes moyennes des pays riches risque, moralement parlant, de poser problème.

Pour l'instant, puisque la demande existe bien sûr aussi pour des couples hétérosexuels, la France est restée très stricte sur cette interdiction de la "gestation par autrui". Des couples français ont adopté légalement aux USA des enfants conçus par mère porteuse: la France a refusé de retranscrire sur l'état civil français cette adoption américaine. Un Français a "épousé" une mère porteuse indienne et, après divorce, est revenu en France en expliquant qu'il était le père de l'enfant: la France a refusé là-aussi la manoeuvre. Cette opposition traditionnelle de la France à ces pratiques ne risquent guère de changer dans l'immédiat. On comprend donc que le gouvernement fasse tout pour éviter cette dérive.

Reste la "procréation médicale assistée" pour les homosexuelles. Car -faut-il le rappeler?- il existe une grande différence entre les hommes (même homosexuels) et les femmes (même homosexuelles), c'est que les mères portent les enfants pendant les neuf mois qui suivent la conception, les allaitent, veillent sur eux dans les premières âges de la vie, bref partagent une intimité physique et affective tout à fait spécifique... Et -faut-il le rappeler?- l'intervention de l'homme ne dure que quelques dizaines de secondes au moment précis de la conception. Les psychologues expliquent ça très bien: à la naissance, les hommes adoptent, d'une certaine façon, le bébé porté pendant neuf mois par leur compagne.

Techniquement -il suffit de le demander aux cliniques belges qui s'en font une spécialité- il n'est pas difficile de féconder artificiellement une femme (homosexuelle ou célibataire) qui, pour une raison ou une autre, ne veut pas avoir de relation physique avec un homme. Les homosexuelles françaises s'adressent régulièrement aux cliniques belges ou espagnoles pour cette "procréation médicale assistée". Et les homosexuels hommes, discriminés par dame nature, ne peuvent agir ainsi...

Le débat "annexe" sur cette procréation médicale assistée, droit qui pourrait être ouvert aux Françaises en France, sera difficilement évité. D'abord parce que des députés de gauche veulent le porter immédiatement dans le débat parlementaire. Il semble d'ailleurs que, du côté du PS, on est assez d'accord sur ce point mais qu'on souhaite mettre la procréation médicale assistée un peu plus tard en débat. Une question très tactique de calendrier en quelque sorte...

Mais, justement, ce débat n'est pas annexe: il concerne la filiation puisque, dans ce cas précis, il n'existerait strictement aucun homme dans la conception de l'enfant. Le père ne sera même pas inconnu, il n'existera pas. A part sous la forme d'un don microscopique et anonyme perdu dans le grand frigo d'une clinique...

Cette évolution des choses est-elle évitable? Après tout, les femmes sont petit à petit devenues professionnellement, économiquement, idéologiquement, légalement, physiquement totalement indépendantes. Bref, elles peuvent se passer des hommes. Et beaucoup préfèreraient sans doute, comme dit la chanson, "faire un bébé toute seule". Il y a gros à parier d'ailleurs que, comme le PACS qui a finalement surtout été utilisé par les hétérosexuels, la procréation médicale assistée servirait surtout aux femmes voulant rester célibataires, sans obligatoirement être homosexuelles.

C'est sans doute là que le débat peut déraper: l'opinion publique est-elle prête à admettre un monde où les hommes ne sont plus indispensables pour la conception d'un enfant? C'est une question qui ne concerne pas que les religions.

Didier Specq

Commentaires

C'est une excellente analyse que je partage tout à fait et que je me permets de diffuser.
Pour l'anecdote et par du tout pour la provocation, je suis en train de lire un roman de John Irving: "Le monde selon Garp" qui raconte l'histoire d'une femme qui fait un enfant "presque" toute seule. C'est un livre un peu outrancier mais parfois l'outrance et le baroque peuvent éclairer notre monde d'une incroyable justesse!
En tout cas, je vous félicite encore pour cet excellent article qui dit tout. Cordialement.Marie-France Vanovermeir

Écrit par : VANOVERMEIR Marie-France | 07/11/2012

Merci, chère Marie-France... D.S.

Écrit par : didier specq | 08/11/2012

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