18/11/2012

Etrangers: ça bouge en silence...

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Les expulsions continuent au même rythme...

Manuel Valls intervient souvent et, tout aussi souvent, ses interventions sont spectaculaires: ses discours lors de l'université d'été du PS à la Rochelle ou, plus récemment, à l'Assemblée Nationale resteront sans doute dans les annales. Un autre élément de sa personnalité reste alors forcément un peu dans l'ombre: le ministre de l'intérieur sait aussi rester silencieux tout en déployant une efficacité qui déroute même à droite.

Prenons l'exemple de la rétention des étrangers qui pouvait atteindre des semaines tandis que les autorités se débrouillaient (lentement) pour trouver un vol d'avion vers le pays d'origine des "sans papiers" en situation irrégulière.

Résumons. En France, le fait de se trouver sur le territoire en situation irrégulière est un délit qui peut être puni d'un an de prison. En conséquence, rien n'empêche de placer longuement en garde à vue un étranger pour vérifier son origine. Et, depuis la création par Robert Badinter des centres de rétention (oui, c'est un élément un peu oublié de l'oeuvre du célèbre ministre de la justice), rien n'empêche de "retenir" dans un centre spécialisé l'étranger qui va être expulsé. Au fil des années, bien sûr, on a rallongé la durée de la rétention.

Or, au printemps dernier, ça se gâte. D'ailleurs, les juridictions européennes commencent à dire depuis quelque temps qu'on ne peut détenir ou retenir quelqu'un au simple motif qu'il n'a pas de papiers pour séjourner légalement sur un territoire donné.

Au printemps dernier, la chambre criminelle de la cour de cassation jette un pavé dans la mare: en application des directives judiciaires européennes, plus possible de condamner pour le seul séjour irrégulier donc plus possible de garder à vue; plus possible non plus de "retenir" un étranger qui serait seulement en séjour irrégulier. Car l'Europe parle de privation de liberté et se fiche des nuances locales entre la "rétention" et la "détention".

Que croyez-vous qu'il arriva? Pas grand-chose si l'on en croit les statistiques de la préfecture de police de Paris qui semblent dire que les expulsions ont continué au même rythme que du temps de Nicolas Sarkozy. On ne dispose pas encore des statistiques nationales.

Me Antoine Berthe, avocat lillois spécialisé dans le droit des étrangers, confirme: "Les policiers arrivent à contrôler et à expulser un étranger, dans bien des cas, en l'espace des quatre heures autorisées pour un contrôle d'identité d'une personne sans papiers". Et l'avocat d'ajouter: "Le problème, c'est la rapidité de ces contrôles qui, souvent, nous empêche de téléphoner à temps, grâce aux renseignements fournis par exemple par la famille, à la personne contrôlée". Précision: "Dès qu'on peut, on téléphone au contrôlé et on lui demande s'il a bien compris que c'était une audition libre et qu'il peut donc partir à tout moment".

Bien sûr, ces quatre heures d'audition libre sont tout de même très contraignantes (il faut savoir que l'étranger peut avoir commis un délit mineur et que le contrôle, dans ce cas, peut se dérouler dans le cadre d'une garde à vue de 48h). Mais, sans délit, quatre heures d'audition libre, c'est très léger tout de même. D'où le projet présenté par Manuel Valls pour "plus d'efficacité": le Sénat, avec les voix du PS, de l'UMP et des centristes, vient d'adopter le principe d'une "tenue" de 16 heures. Laquelle donne évidemment plus de moyens aux policiers ou aux gendarmes. Les écologistes, qu'on a connu plus offensifs sur ces questions, ont choisi l'abstention tandis que les sénateurs FDG votaient contre.

Pour Me Emeline Lachal, avocate elle-aussi spécialisée dans le droit des étrangers, les expulsions devraient donc continuer au même rythme avec ces nouveaux moyens. L'avocate ajoute: "Il est possible également qu'un nouveau délit entre un jour dans le code pénal. L'entrée illégale sur le territoire pourrait remplacer le séjour irrégulier. Or, comme un étranger en séjour irrégulier est forcément entré illégalement..."

Pour l'instant, le projet de retenue de 16 heures a donc été voté par le Sénat et l'Assemblée Nationale devrait l'adopter sans problèmes et sans grands débats puisque le PS et la droite sont d'accord. Manuel Valls sait aussi être "efficace" dans la discrétion.

Didier Specq

Commentaires

expulsion oui mais sans la "prime" de 300€

Écrit par : prost titué | 19/11/2012

il en arrive plus que l'on en expulse,et on leur fourni tout ce qu'un SDF ne peut avoir

Écrit par : rom | 19/11/2012

De plus en plus dubitatif sur l'efficacité et les moyens employés pour " karchériser notre beau pays des droits de l'homme" !

Écrit par : VANLIERDE | 20/11/2012

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