22/11/2012

Les complexités des comparutions immédiates

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C'est une histoire de famille comme il en arrive tant. Sauf que...

Les procureurs sont tous d'accord sur ce point: la lutte contre les violences conjugales constituent une priorité et la comparution immédiate -deux ou trois jours après l'interpellation- permet de casser le plus vite possible l'engrenage de la violence. En conséquence, les juges sont transformés immédiatement en assistantes sociales de choc, voire en "divorceurs" puisque, souvent, ils interdisent au condamné toute fréquentation directe ou indirecte de la victime.

Toutes les violences de tous les couples (présents ou passés) sont susceptibles d'être jugées avec la circonstance aggravante de violences conjugales puisqu'il suffit que deux personnes aient partagé un temps un même domicile pour qu'une relation de concubinage, juridiquement parlant, soit établie. Même si cette relation se retrouve dans le domaine du passé depuis longtemps.

Les magistrats sont alors confrontés parfois à des histoires embrouillées où ils doivent trancher tout de suite. Ainsi, mercredi soir, le président Thierry Fourdrignier, à Lille, doit s'occuper du cas de deux enfants qui ont fui le domicile de leurs mères. Une mère biologique qui a tendance à frapper et qui affiche un casier judiciaire non négligeable. Et la compagne de la mère qui, depuis longtemps, élève également les enfants de la prévenue. Et les élève seule quand cette dernière est en prison.

Les deux enfants -deux filles âgées respectivement de 17 et 9 ans- ont été récupérées par une voisine: elles fuyaient un soir dans la rue tant la situation à la maison était périlleuse et elles lui ont demandé d'alerter la police. Les deux enfants s'étaient interposées à plusieurs reprises quand celle qu'elle considère comme leur seconde maman était bousculée et menacée de mort par la prévenue.

Mais les juges ne sont pas saisis par la procureure d'éventuelles violences conjugales mais uniquement des violences sur les enfants. Peut-être deux homosexuelles en union libre ne peuvent-elles pas encore, juridiquement parlant, être considérées comme des concubines alors que, bien sûr, dans un cas similaire, s'il s'agissait de personnes de sexe différent, on invoquerait la relation de concubinage. Pour poursuivre éventuellement d'ailleurs même sans une plainte de la victime comme on le voit souvent dans les affaires de violences intra-familiales.

Les deux enfants ont été placées immédiatement -et sans doute provisoirement- dans un foyer géré par le conseil général. A la fin de l'audience, c'est la mère violente (condamnée à 26 mois de prison ferme au total) qui fera remarquer, avant de partir en prison, que ses deux filles auraient dû être rendues à sa compagne. Là aussi, on se trouve devant une question épineuse: les enfants, qui s'interposent entre les deux femmes et qui sont frappées, ne seraient-elles pas une nouvelle fois victimes puisque, alors qu'elles dénoncent les faits en fuyant dans la rue et en alertant le police, elles se retrouvent isolées dans un foyer?

Seul espoir: qu'un juge des enfants se saisissent rapidement de l'affaire et voit de près la situation de ces deux victimes mineures. Complexe, complexe...

Didier Specq

23:18 Publié dans Justice | Lien permanent | Commentaires (0)

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