06/02/2013
La parité à l'école maternelle
La députée socialiste Sandrine Mazetier, sans le vouloir, met le doigt sur un point très sensible.
Notre société adore changer les noms des choses et des gens: on gomme un aspect déplaisant, on élude un problème et surtout on donne satisfaction à peu de frais.
Ainsi la députée Sandrine Mazetier propose de retirer l'appellation "école maternelle" sur les frontons des établissements scolaires concernés. Pourquoi pas? Pour un coût très limité, un débat s'ouvre où chacun joue son rôle: les conservateurs crient au scandale pendant que d'autres approuvent avec brio. Les enfants connaissent très bien et depuis longtemps ce genre de débats formatés: Guignol d'un côté, le gendarme de l'autre...
Mine de rien, Sandrine Mazetier, qui trouve que les mots "école maternelle" cantonnent les femmes dans un rôle d'éducation exclusif de la petite enfance, souligne un léger problème: on peut changer les appellations mais, encore plus à l'école maternelle que dans le reste du système scolaire, l'écrasante majorité des enseignant(e)s et du personnel encadrant sous des femmes. A tel point qu'à la porte de ces établissements scolaires, un éventuel extraterrestre débarqué de la planète Mars pourrait croire qu'il s'agit d'emplois réservés aux femmes. Faudra-t-il imposer un quota d'hommes dans l'éducation de la petite enfance?
Il suffit d'ailleurs de lire la plupart des études consacrés à la mixité à l'école pour observer un curieux phénomène: on souligne que les cerveaux des petites filles et des petits garçons sont strictement les mêmes et on y insiste sur l'avance que les filles prennent sur les garçons dès la sortie de la maternelle et dès l'apprentissage de la lecture et du calcul. Paradoxe: on en conclut inévitablement qu'il faut encourager les filles.
Suivent alors des statistiques qui nous expliquent doctement que les filles, pourtant bien meilleures à l'école et dans les lycées, n'envisagent que trop rarement des carrières techniques ou industrielles à un haut niveau.
Bien sûr, l'éventualité que les meilleures évitent les carrières techniques parce l'image de l'industrie n'est pas terrible en 2013 (ou parce que c'est peut-être sale et dangereux) n'est nulle part évoquée. On pleurniche sur les études littéraires choisies par les filles (qui les orientent plus vers les services) alors que l'industrie, depuis l'an 2000, a perdu de l'ordre d'un million d'emploi. On n'évoque jamais les métiers de la fonction publique choisis massivement par les femmes comme l'Education Nationale, la Justice ou les collectivités territoriales. On n'évoque jamais les accidents du travail et les maladies professionnelles qui sont subis, dans leur écrasante majorité, par les hommes. Un chiffre: les hommes sont victimes de 25 fois plus d'accidents du travail que les femmes.
Qu'on ne nous dise pas que les métiers choisis par les femmes sont sous-évalués ous sans aucun pouvoir. Ainsi, dans le système judiciaire, on observe tous les jours des chambres correctionnelles, par exemple, composées uniquement de femmes.
Certes, l'observatoire des inégalités chiffre à 7% l'écart de salaires entre les hommes et les femmes qui est dû à la discrimination (et non pas les 30% délirants souvent évoqués). Toutefois, le discours sur les inégalités doit parler de toutes les inégalités. Ainsi, le débat sur la parité réelle ne pourra plus longtemps éluder, dès l'école "maternelle", les deux questions suivantes: pourquoi la féminisation à outrance de l'éducation nationale n'est pas combattue; pourquoi les petits garçons réussissent-ils moins bien à l'école?
Didier Specq
13:14 Publié dans Féminisme, Justice | Lien permanent | Commentaires (0)
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