13/02/2013
Etrangers: la présidente reliquet fait de la résistance
Cinq étrangers dans le box des prévenus qui, lundi soir au tribunal de Lille, se retrouvent devant le choix suivant: l'expulsion ou la prison.
Rappelons que le parquet et les procureurs exécutent les directives générales du ministère de la justice dirigé par Christiane Taubira.
Rappelons aussi qu'un étranger en situation irrégulière peut user d'une stratégie lui permettant de rester sur le sol français.
Il se déclare d'abord "sans papiers", ce qui, pour le public, est toujours mieux que "clandestin". Se faisant, puisqu'il dit avoir perdu tous ses papiers d'identité, il peut se retrouver, s'il invoque une origine algérienne par exemple, conduit de force par la police de l'air et des frontières (PAF) devant le consul d'Algérie.
Des accords similaires existent d'ailleurs avec tous les pays d'Afrique du Nord. Le consul écoute les renseignements oraux que peut fournir le "sans papiers" et, si le consul (ou son représentant) estime après une questionnaire qu'effectivement la personne qu'il a en face de lui est algérienne, l'officiel algérien délivre un laissez-passer: l'ex-clandestin peut être expulsé alors vers l'Algérie et part par le premier avion disponible.
Toutefois, a contrario, si l'étranger se déclare brusquement marocain devant le consul d'Algérien, le sans papiers ne sera pas expulsé.
Remis en liberté tôt au tard du centre de rétention de Lesquin, l'homme, toujours en séjour irrégulier, devient très difficile à expulser. Surtout si l'étranger en question évite les contrôles policiers et les petits actes de délinquance. Un jour, peut-être, sera-t-il régularisé...
Mais, justement, lundi dernier, le procureur de Lille a estimé qu'un délit pouvait être invoqué: "non communication de document ou de renseignement permettant une reconduite à la frontière". Même du temps de Nicolas Sarkozy, un tel délit n'avait pas été utilisé à Lille, en tous cas pas en comparution immédiate. Car la comparution immédiate possède un énorme avantage: elle permet l'incarcération immédiate!
Tir groupé donc lundi après-midi durant l'audience des comparutions immédiates à Lille: cinq étrangers, ayant fait échouer leur expulsion, arrive dans le box des prévenus. Un vieux monsieur algérien qui dit être venu de Belgique, un Marocain affligé d'un énorme abcès à la joue, un Algérien qui dit avoir obtenu un diplôme d'architecte en Angleterre mais être venu en France pour tenter de se faire soigner d'une grave maladie... Bref, le quotidien des étrangers en situation irrégulière. Aucun n'a été condamné, aucun n'est poursuivi pour autre chose.
La procureure Valérie Lescrohart demande trois mois de prison ferme avec mandat de dépôt pour chacun des cinq. Les avocats protestent: "Un des cinq, celui qui apparaît gravement malade, pourrait demander l'asile humanitaire", "on leur dit qu'ils ont le droit de garder le silence et, quand ils se taisent sur leurs origines, on les poursuit", "ils n'ont commis qu'une infraction administrative et la peine de prison ferme est disproportionnée par rapport à un premier délit aussi anodin", "c'est une forme de chantage car on leur donne à choisir entre l'expulsion et la prison", etc, etc. Me Nathalie Greugny et Me Dorothée Ngoungouré mènent la bataille sans faiblesse.
Jugement: la présidente Nourith Reliquet résiste au parquet et prononce deux mois de prison avec sursis pour chacun des cinq prévenus. Commentaires de la présidente lundi soir: "l'infraction existe, nous ne pouvons que condamner. En revanche, il n'y a pas de raison de vous traiter différemment d'un citoyen français qui aurait commis un premier petit délit. Un primo-délinquant ne serait pas envoyé en prison. D'où cette peine avec sursis pour vous aussi".
Didier Specq
Rappelons que le parquet et les procureurs exécutent les directives générales du ministère de la justice dirigé par Christiane Taubira.
Rappelons aussi qu'un étranger en situation irrégulière peut user d'une stratégie lui permettant de rester sur le sol français.
Il se déclare d'abord "sans papiers", ce qui, pour le public, est toujours mieux que "clandestin". Se faisant, puisqu'il dit avoir perdu tous ses papiers d'identité, il peut se retrouver, s'il invoque une origine algérienne par exemple, conduit de force par la police de l'air et des frontières (PAF) devant le consul d'Algérie.
Des accords similaires existent d'ailleurs avec tous les pays d'Afrique du Nord. Le consul écoute les renseignements oraux que peut fournir le "sans papiers" et, si le consul (ou son représentant) estime après une questionnaire qu'effectivement la personne qu'il a en face de lui est algérienne, l'officiel algérien délivre un laissez-passer: l'ex-clandestin peut être expulsé alors vers l'Algérie et part par le premier avion disponible.
Toutefois, a contrario, si l'étranger se déclare brusquement marocain devant le consul d'Algérien, le sans papiers ne sera pas expulsé.
Remis en liberté tôt au tard du centre de rétention de Lesquin, l'homme, toujours en séjour irrégulier, devient très difficile à expulser. Surtout si l'étranger en question évite les contrôles policiers et les petits actes de délinquance. Un jour, peut-être, sera-t-il régularisé...
Mais, justement, lundi dernier, le procureur de Lille a estimé qu'un délit pouvait être invoqué: "non communication de document ou de renseignement permettant une reconduite à la frontière". Même du temps de Nicolas Sarkozy, un tel délit n'avait pas été utilisé à Lille, en tous cas pas en comparution immédiate. Car la comparution immédiate possède un énorme avantage: elle permet l'incarcération immédiate!
Tir groupé donc lundi après-midi durant l'audience des comparutions immédiates à Lille: cinq étrangers, ayant fait échouer leur expulsion, arrive dans le box des prévenus. Un vieux monsieur algérien qui dit être venu de Belgique, un Marocain affligé d'un énorme abcès à la joue, un Algérien qui dit avoir obtenu un diplôme d'architecte en Angleterre mais être venu en France pour tenter de se faire soigner d'une grave maladie... Bref, le quotidien des étrangers en situation irrégulière. Aucun n'a été condamné, aucun n'est poursuivi pour autre chose.
La procureure Valérie Lescrohart demande trois mois de prison ferme avec mandat de dépôt pour chacun des cinq. Les avocats protestent: "Un des cinq, celui qui apparaît gravement malade, pourrait demander l'asile humanitaire", "on leur dit qu'ils ont le droit de garder le silence et, quand ils se taisent sur leurs origines, on les poursuit", "ils n'ont commis qu'une infraction administrative et la peine de prison ferme est disproportionnée par rapport à un premier délit aussi anodin", "c'est une forme de chantage car on leur donne à choisir entre l'expulsion et la prison", etc, etc. Me Nathalie Greugny et Me Dorothée Ngoungouré mènent la bataille sans faiblesse.
Jugement: la présidente Nourith Reliquet résiste au parquet et prononce deux mois de prison avec sursis pour chacun des cinq prévenus. Commentaires de la présidente lundi soir: "l'infraction existe, nous ne pouvons que condamner. En revanche, il n'y a pas de raison de vous traiter différemment d'un citoyen français qui aurait commis un premier petit délit. Un primo-délinquant ne serait pas envoyé en prison. D'où cette peine avec sursis pour vous aussi".
Didier Specq
10:34 Publié dans discrimination, étrangers, Justice | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
"on leur dit qu'ils ont le droit de garder le silence et, quand ils se taisent sur leurs origines, on les poursuit"
N'est-ce pas exactement ce qui se passe lorsqu'un homme refuse de se soumettre à un test de paternité ? On présume de fait qu'il est le père.
Une personne refusant de décliner sa nationalité ou mentant quant à cette dernière doit être présumé clandestin et être expulsé à ce titre... sauf à considérer que seuls les droits doivent être égaux et pas les devoir ?
Écrit par : Bonsensenaction | 18/02/2013
Sans doute la présidente, nourrie de culture classique, se souvenait-elle d'avoir reluqué sur les murs des tribunaux italiens l'inscription :
La legge è uguale per tutti
Mais de là à l'appliquer, chapeau bas !
Écrit par : Sub lege libertas | 20/02/2013
Cher Bonsensenaction,
Le jugement prononcé par la présidente Reliquet ne change rien au séjour irrégulier du prévenu, qui reste donc tout à fait passible d'une expulsion.
Cher Sub lege libertas,
Eh, oui, Nourith Reliquet est à saluer chapeau bas!
D.S.
Écrit par : didier specq | 21/02/2013
Les commentaires sont fermés.