17/02/2013

Sous les jupes des filles

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Filmer sous la jupe des filles, est-ce illégal? Le tribunal de Nancy s'est posé la question et a répondu par la négative. Bizarre quand même...

C'est le site intitulé "que pour les juristes" qui nous apprend cette histoire. Résumons. L'action se déroule cet été dans un magasin d'articles de sports de Meurthe-et-Moselle. Un homme d'une quarantaine d'années, technicien dans un fac parisienne mais en vacances, se sert d'une caméra miniature astucieusement fixée au bout de sa basket. La caméra, destinée à filmer sous les jupes des filles, est de la taille d'un clé USB donc presque invisible. Ceci dit, l'homme se fait piquer quand même. Poursuites, procès.

Le tribunal a finalement relaxé le prévenu. La procureure avait d'ailleurs expliqué auparavant que, en l'absence de victimes identifiées, on ne pouvait invoquer de dommages physiques ou émotionnelles. L'avocat de la défense avait estimé que la loi sur la captation illégale d'images ne s'appliquait qu'aux lieux privées et qu'un supermarché est un lieu public. Donc...

Le journaliste de l'Est-Républicain qui relate l'audience parle de "vide juridique", de "bug légal". Donc relaxe.

A dire vrai, l'observateur des tribunaux est toujours un peu étonné, étant donné l'épaisseur du code pénal qui s'amplifie année après année, qu'on puisse encore évoquer des vides juridiques. C'est un peu comme les îles inconnues, ça devient tout de même rare.

D'abord, on pouvait poursuivre et condamner pour violences légères. Fastoche. L'incrimination de voie de fait ou de violence légère marque le seuil de protection pénale de l'intégrité physique, morale, de la pudeur, de l'honneur, de la liberté, etc, etc. Donc pas de problèmes: il existe une violence légère, elle est répétée puisque de nombreuses photos ont été prises et, même sans plainte, ça roule, on peut condamner. Certes, ce n'est qu'une violence légère et une contravention au final.

Reste tout de même la loi sur l'atteinte à l'intimité de la vie privée "par un procédé quelconque" permettant de capter les sons ou les images. Là, c'est du lourd, c'est puni au maximum d'un an de prison et de 45.000 euros d'amende.

C'est là que ça se corse. La loi parle, premièrement, de l'enregistrement (captage, transmission, peu importe) de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel et, deuxièmement, de l'enregistrement de l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. Et, là, effectivement, le législateur a commis une boulette en séparant le son et l'image. Car, filmer sous la juge des femmes, c'est bien voler une image destinée à être confidentielle. Mais, justement, la loi ne parle que des paroles prononcées à titre privé et confidentiel. Et l'image captée dans un supermarché n'est pas une image prise dans un lieu privé.

Les magistrats auraient certes pu expliquer que, sous les jupes, c'est un lieu privé mais c'était sans doute un peu trop tiré par les cheveux.

A Lille, la semaine dernière, un jeune homme, diplômé des meilleurs écoles de commerce, a été condamné sur la base des deux incriminations énoncées plus haut. Avec une caméra miniature planquée dans un sac de sports, il filmait sous la cloison de séparation des cabines de déshabillage les nageuses de la piscine Marx-Dormoy. Mais, là, indéniablement, c'est un lieu privé (jugement: 4 mois de sursis).

10:35 Publié dans Justice | Lien permanent | Commentaires (3)

Commentaires

"magistrats auraient certes pu expliquer que, sous les jupes, c'est un lieu privé mais c'était sans doute un peu trop tiré par les cheveux."

a défaut, ils pourraient expliquer que, sous les jupes, c'est un lieu INTIME donc privé. Et cela ne me paraît pas être tiré par les cheveux. Quelle aberration!

Écrit par : Romane | 17/02/2013

Mon cher Didier,

Faut-il qu'il m'en souvienne, le bon tribunal de Lille, comme icelui où je requiers hic et nunc, a déjà condamné à plusieurs reprises ces agissements sous la qualification idoine de violence volontaire sans incapacité totale de travail avec préméditation.

Attenter à l'intimité en captant l'image de l'entrejambe d'une fille ou d'un garçon en jupe (eh oui Jean Paul Gaultier sait nous habiller, nous les hommes, et je ne te parle pas des écossais) est une voie de fait, comme l'on disait avant 1994 quand j'ai fait mon droit, bref désormais une violence volontaire (car ce n'est pas fortuit, comme lorsque le vent fripon soulève le jupon en maraude sur le pont des arts ou ailleurs).

Evidemment, il n'en résulte aucune lésion mais un choc psychologique n'est pas à exclure chez la victime, ce que la jurisprudence reconnaît comme conséquence de cette violence que d'ailleurs certains jurisconsultes baptisent violence psychologique... Et l'on voit même des médecins légistes, pourtant avares en journée d'ITT sur le plan corporel, octroyer une ou deux journée pour séquelle psychologique.

Mais tout cela resterait des violences légères, si le pervers textuel qu'est tout procureur comme ton serviteur, ne retenait pas comme circonstance aggravante la préméditation de cette voie de fait, car ce n'est tout de même pas par hasard que vous sortez muni d'un appareil de prise de vue et que vous vous rendez dans l'endroit propice à vous permettre de capter la vue objet de votre convoitise... Voilà un beau délit de violence volontaire préméditée !

Maintenant pour éviter la police correctionnelle du regard, il existe une alternative : aller contempler "The Great Wall of Vagina" de l'artiste anglais Jamie Mc Cartney (http://www.jamiemccartney.com/) qui est constitué de dizaine de moulages de vulve de femme consentante...

Aller mon Didier, c'était la minute Droit et Cul-ture d'un procureur qui continue à te lire, flûte plutôt que bock aux lèvres, en trinquant à ta santé !

Sll

Écrit par : Sub lege libertas | 20/02/2013

Post scriptum :

La bonne adresse pour Jamie Mac Cartney :

http://www.jamiemccartney.com


Sll

Écrit par : Sub lege libertas | 20/02/2013

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