02/06/2013
C'est l'histoire d'un homme...
... à la très mauvaise réputation.
Très mauvaise réputation et aussi un gros casier judiciaire de toxicomane: vols en tous genres, infractions à la législation sur les stupéfiants, etc. Karim X., 38 ans, est interpellé en juin 2012.
Il vient de se produire, à l'époque à Neuville-en-Ferrain (à quelques kilomètres de Tourcoing), une très sale agression. Vers 8 h 30, le 4 juin 2012, on sonne à la porte d'une dame déjà âgée. Elle ouvre, un homme rabat rapidement une cagoule sur sa tête, bouscule la dame, la repousse à l'intérieur, la frappe et la jette dans l'escalier qui mène à la cave. Tout en continuant à la frapper, l'homme attache sa victime avec u fil électrique et arrose la dame d'essence. Puis l'inconnu masqué remonte au rez-de-chassée. Il va s'emparer d'un peu d'argent et s'enfuit immédiatement.
On imagine la terreur de la dame grièvement blessée et arrosée d'essence. Mais elle va réussir à se libérer seule de ses liens et à donner l'alerte.
Les policiers n'ont rien. Curieusement, alors que l'homme était sans gants selon la dame, les enquêteurs ne vont retrouver aucune empreinte et aucune trace ADN exploitable.
Apparemment, les policiers et le juge d'instruction vont utiliser uniquement deux méthodes. D'abord, ils vont faire le rapprochement avec Karim X., un "emmerdeur" bien connu dans la localité. Le toxicomane passe son temps à quémander de l'argent, il a été condamné pour de petits larcins, il aurait été mis en cause dans une agression un an plus tôt.
La dame a vu peut-être une fraction de seconde son agresseur. Elle n'a jamais parlé d'un homme de type nord-africain, ni d'un moustachu. Et les enquêteurs vont chercher dans le "fichier Canonge" les photos des suspects et des condamnés. A l'assemblée nationale, depuis peu, les races n'existent plus mais pas dans ce fichier où les figures de suspects sont classées par "type": gitan, blanc, arabe, sud-américain, asiatique, etc.
C'est alors qu'on sort la photo de Karim X. et qu'on la montre à la dame: ça y est, là, elle reconnaît sans agresseur, elle parle pour la première fois d'un Maghrébin.
Karim X., qui nie mordicus, se retrouve en détention provisoire jusqu'à son procès qui se déroule la semaine dernière. Un an de prison...
A l'audience à Lille, surprise, le procureur Jean-Claude Travassac n'est pas content du tout et demande la relaxe! "Comment peut-on reconnaître la photo du visage de quelqu'un qu'on n'a pas vu? On présente la photo et, ensuite, la victime croit reconnaître son agresseur et quand elle le voit en chair et en os, derrière une glace sans tain, elle le reconnaît encore plus". Et d'ajouter: "C'est déplorable. En fait, on reconnaît sincèrement de plus en plus une photo".
Me Jérôme Pianezza, en défense, n'est pas content non plus: "Mon client, qui n'a pourtant pas à prouver son innocence, a répété que ce jour-là, à cette heure-là, il a pris le bus de 8 h 06 et trouvait en route par les transports en commun vers Tourcoing où on lui donne sa méthadone". A 10 h 28, la prise de méthadone est enregistrée à Tourcoing. Me Pianezza: "La personne, interrogée comme témoin, qui enregistre cette donnée dans l'ordinateur du centre d'accueil a estimé que cette heure peut indiquer le moment approximatif où Karim X. prend son médicament ou le moment où cette donnée est enregistrée dans le logiciel! Le juge d'instruction a préféré estimer que ce n'était pas un alibi suffisant". Bref, pour le magistrat instructeur, Karim X. aurait pu faire le coup.
Et Me Pianezza d'ajouter: "Le pire, c'est d'entendre mon client ajouter que, de toutes façons, avec le casier judiciaire qu'il a, c'est mort, il sera condamné".
Mais Karim X., avec sa gueule de métèque comme dit la chanson, a été finalement relaxé par le président Bernard Lemaire. Un an de prison pour rien...
Didier Specq
15:06 Publié dans Justice | Lien permanent | Commentaires (0)
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