04/08/2013

DSK: Cour d'assises ou pas cour d'assises?

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Mais pourquoi quatre avocats ont demandé le renvoi de l'affaire devant les Assises?

Soyons clairs: une affaire de "proxénétisme en bande organisée", c'est un crime. Mais, en France, les juges d'instruction, sans que cela scandalise beaucoup de monde, ont pour habitude de jouer allègrement sur les mots. Pour les "trafics de drogue en bande organisée", pour les "viols", souvent pour les "vols avec main armée" -toutes ces incriminations sont juridiquement des crimes- les magistrats instructeurs ont pour habitude de commencer l'instruction comme si l'affaire allait se retrouver devant les assises et puis, brusquement, généralement à la fin des investigations, les magistrats envoient le dossier en correctionnelle.

Ainsi, par exemple, les "viols", dans une majorité des cas, se retrouvent transformés d'un coup de baguette magique en simples délits d'agression sexuelle. Surprenant, non? Bien sûr, les magistrats expliquent que c'est avec l'accord des victimes. Certes celles-ci peuvent faire appel de cette "correctionnalisation" et éventuellement obtenir satisfaction. Mais, généralement, la victime va acquiescer plus ou moins tacitement à la correctionnalisation du viol: on va expliquer à la femme traumatisée, par exemple, que la correctionnelle est moins éprouvante que les assises. Tout ça parce que les cours d'assises sont surchargées. Notons que de nombreuses victimes sont des mineurs et que, en réalité, c'est l'institution qui les a en charge qui donne son accord à leur place.

Le viol n'est pas reconnu comme un crime dans de nombreux cas? Même chose pour les braquages. Mais, dans le cas de l'affaire dite du Carlton, certains des avocats protestent pour une autre raison: les gardes à vue sont plus dures et plus longues lorsque le dossier est criminel, les avocats sont présents plus tard lors des interrogatoires, etc. Bref les juges d'instruction se donnent plus de facilités alors que chacun sait, dès le départ, que le dossier n'ira vraisemblablement pas aux assises. Nous l'avions d'ailleurs annoncé il y a longtemps sur ce blog.

C'est tout de même une pratique étonnante que d'instruire une affaire comme un dossier criminel alors qu'on sait généralement qu'il s'agit, au final, de simples délits en faisant sauter la circonstance, par exemple, de "bande organisée".

Me Jérôme Pianezza, qui défend un avocat lillois mis en examen dans ce dossier, proteste et a donc interjeter appel de cette correctionnalisation parce que, comme le dossier ne va pas aux assises, on n'a pas réellement besoin d'enquêter à fond sur la victime. Or, justement, dans ce dossier, la prostituée qui accuse l'avocat en question a déjà été mise en cause par la justice... Une enquête sur la jeune femme, dont les dires ont déjà été contestés, n'est donc pas anodine pour la compréhension du dossier présent.

Me Eric Dupond-Moretti (pour le responsable d'une filiale d'Eiffage), Me Hubert Delarue (pour l'ancien chargé des relations publiques du Carlton) et Me Sorin Margulis (pour Dodo la Saumure) ont eux-aussi interjeté appel de la correctionnalisation.

Pour les mêmes motifs: des conditions d'investigations plus dures pour les clients Et aussi pour une raison plus implicite: les jurés seraient probablement plus sceptiques que des magistrats professionnels devant ces énormes moyens d'investigations mis en place pour, finalement, une montagne qui a bien l'air d'accoucher de petites souris.

Didier Specq

Commentaires

Cher Didier,
Pourrais-tu m'expliquer ce que tu entends par "enquêter à fond sur la victime" ? Car autant qu'il m'en souvienne, dans une instruction, qu'il s'agisse d'une instruction correctionnelle ou criminelle, il est possible de solliciter du juge les memes investigations : confrontations de la partie civile et de le personne mise en examen, expertise psychologique voire psychiatrique (au cas d'espece, celui dont tu fais état dans ton billet, les expertises psychologiques ont été effectuées et les conclusions notifiées aux parties sans que personne n'y trouve à redire en sollicitant une contre-expertise ou un complément), auditions de témoins pour vérifier ou éprouver les propos de le victime, et, de manière générale "tous actes utiles à la manifestation de le vérité. Bref, les moyens me semblent exister à l'identique dans un cas comme dans l'autre pour enquêter sur la partie civile.

Écrit par : Laporte | 08/08/2013

Cher Laporte,

C'est vrai, vous avez raison, j'ai été approximatif. Je voulais dire que, en général, aux assises, l'enquête sur la victime est plus poussée. Par exemple, le psychiatre, si l'un d'entre eux a été requis, dépose en personne. Merci de vos précisions.

Amicalement.

Écrit par : didier specq | 09/08/2013

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