08/08/2013
Sexe, mensonges et jurisprudence...
L'ordonnance des trois magistrats instructeurs, qui renvoient en correctionnelle les 13 mises en examen, ressemble à une véritable roman noir. On croirait lire un SAS. Sauf qu'il s'agit bien d'une enquête pénale qui cherche à démontrer que DSK était l'un des organisateurs du réseau de libertines et de prostituées. Cette ordonnance que nous avons pu lire fera sans doute date: à partir de témoignages assez peu nombreux et fragiles, à travers l'étude de dizaines de SMS, au hasard des réponses des autres protagonistes, il s'agit de démontrer que, intentionnellement, DSK aidait à la prostitution d'autrui. Et donc qu'il est proxénète puisque "l'aide" suffit à caractériser ce délit.
La jurisprudence est fournie. Un chauffeur de taxi par exemple, même s'il fait payer le prix normal de la course à une prostituée, peut être qualifié de proxénète dès lors qu'il conduit consciemment la jeune femme en question de son domicile à l'appartement de l'amateur de prestations sexuelles tarifées.
Certes, on peut disserter à l’infini sur les rapports entre la morale, souvent à géométrie variable, et le droit, qui tente de nous faire vivre ensemble sans trop de heurts. Toutefois, en matière de proxénétisme, les juges sont concrètement confrontés à un redoutable problème : où commence et où s’arrête « l’aide » à la prostitution ? Dans leur ordonnance de renvoi, les trois magistrats instructeurs sont obligés de s’interroger sans cesse.
Et d’ailleurs, pour estimer que DSK n’a pas seulement « aidé », les trois juges estiment que des charges suffisantes peuvent aussi exister pour penser que l’ex-directeur du FMI a « organisé » ce réseau d’amis nordistes qui lui fournissait des femmes libertines ou des prostituées.
La lecture de l’ordonnance de renvoi ressemble alors à celle d’un livre de Gérard de Villiers. Comment certaines « victimes » pouvaient-elles prétendre que DSK savait que des prostituées intervenaient ? « Une prostituée nue ressemble à une bourgeoise libertine nue » a répondu Me Henri Leclerc, un des avocats de DSK. Justement, l’ordonnance de renvoi se penche sur certaines habitudes qui pourraient démontrer qu’on ne peut pas confondre.
D’abord, selon certains témoignages, les jeunes femmes s’en allaient parfois immédiatement après la prestation sexuelle alors qu’une femme libertine aurait passé toute la soirée ou la nuit. Des vêtements très suggestifs pourraient avoir indiqué que des prostituées intervenaient. Des rapports brutaux ou peu respectueux sont étudiés longuement et cadreraient mal avec des soirées entre amis libertins. On ne mettait pas de musique douce et les rapports sexuels ressemblaient plutôt à « de l’abattage sur des matelas ».
Des assertions bien sûr contestées point par point par ceux qui défendent la thèse inverse : DSK ignorait totalement la présence éventuelle de prostituées.
Bref, l’ordonnance de renvoi des juges est obligée de se pencher longuement et dans le détail sur la différence entre un comportement qui peut être jugé immoral (l’organisation de séances sexuelles collectives) et ce qui est franchement délictuel : l’organisation de la prostitution d’autrui. On note par exemple que DSK est toujours "le roi de la fête" et que c'est lui l'acteur principal allant jusqu'à avoir des rapports sexuels, selon un témoin, avec une bonne dizaine de partenaires en une seule séance.
Une des jeunes femmes, dont le témoignage était à charge, explique que DSK « n’était là que pour le sexe » et que c’était sans rapport « avec le consentement et le plaisir commun du libertinage »… Le droit pénal est parfois surprenant.
Didier Specq
17:39 Publié dans Affaire Carlton, Justice, prostitution | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Certains arguments de l'accusation laissent perplexes comme la musique, la tenue...par contre la violence des rapports va peser lourd pour prouver qu'il savait que c'était des prostituées.
Écrit par : Lisa | 13/08/2013
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