25/09/2013

Comment réprimer un amour hors normes

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Homophobie ou répression d'actes illicites.

Certes, il n'y a pas traces d'homophobie dans ce procès. Mais les amours de ces deux femmes troublent sérieusement le cheminement habituel d'une procédure.

Résumons. Le 23 avril dernier, à Lille, une mère de famille déposait une plainte : elle venait de découvrir que sa fille, âgée de 14 ans, entretenait depuis de longs mois une relation intime avec une prof du collège Louise Michel, à Lille-Sud. Des SMS explicites, entre autres, sont découverts.

Inutile de dire qu’une histoire d’amour hétérodoxe (pardon, un délit d’atteintes sexuelles sur une mineure de moins de 15 ans par une adulte ayant autorité) est assez surprenante médiatiquement dans un établissement et un quartier "sensible" où l’on s'attend plutôt à des problèmes de délinquance. Comme quoi la réalité est toujours complexe.

Lundi, après un report, l’affaire est audiencée devant la présidente Alexa Fricot au tribunal de Lille. En fait, entre la date du dépôt de la plainte et celle de l’audience, tout a changé.

D’abord la jeune fille est désormais âgée de 15 ans. Ensuite, la prof de collège (suspendue depuis les faits) n’est plus une adulte «ayant autorité », comme dit le code pénal, puisque l’adolescente a quitté le collège après avoir passé avec succès son brevet. Donc les amours de la jeune fille et de la jeune femme âgée de 34 ans sont licites.

Le contexte du procès devient alors assez particulier puisque le délit passé existe (probablement, mais le tribunal n’a pas encore tranché) mais qu’il a cessé. Certes, en ordonnant le huis-clos, les magistrats ont jeté un voile pudique sur les relations intimes de ces deux jeunes femmes. Toutefois, on sait que la jeune fille revendique son amour. Comme la prévenue.

Dans la salle des pas perdus du tribunal, trois femmes attiraient involontairement l’attention pendant que les journalistes attendaient le procès.

D’abord, la mère, très digne, qui attendait auprès de sa fille. Visiblement, malgré leurs divergences, la mère et la fille n’ont pas rompu le dialogue. Ensuite, la jeune fille, très droite, décidée, l'air de celle qui n'a pas du tout envie de baisser la tête et de s’excuser. Enfin, la prof, à l’autre bout de la salle, qui s’efforce de ne pas jeter trop de regards vers son amie.

On a donc longuement débattu à huis-clos. Le prononcé du jugement a été annoncé pour le 7 octobre prochain.

Mais l’on sait d’ores et déjà que la procureure Flavie Briche a requis contre la prévenue huit mois de sursis avec mise à l’épreuve, l’interdiction d’exercer un métier en rapport avec les mineurs, l’interdiction de rencontrer la « victime » et l’inscription au fichier national des délinquants sexuels qui marque à vie.

Inutile de dire que de telles réquisitions, contre lesquelles Me Aurélie Panier a longuement bataillé, posent de sérieux problèmes.

D’abord, on désigne une homosexuelle à la vindicte (interdiction professionnelle et inscription sur un fichier infamant) alors même que les relations de la jeune fille et de la prévenue sont désormais licites. Imaginons que les deux femmes se marient dans 3 ans comme c’est leur droit le plus strict…

On peut s’étonner aussi de cette sévérité à l’encontre d’une « primo-délinquante », comme aiment à le dire les magistrats, alors même que les réquisitions du parquet pour des affaires d’agression physique peuvent être bien moindres comme des exemples récents l’attestent.

Enfin, on espère que la sincérité des deux jeunes femmes n’a pas joué contre elles.

Didier Specq

Commentaires

oui vous avez raison vive la pédophilie...

Écrit par : grospédo | 25/09/2013

Dirais tu la meme chose si un prof de 35 ans sortait avec une eleve de 14 ans?

Écrit par : Bruno | 25/09/2013

Quelques récents acquittement ou condamnations légères et avec sursis pour des faits de cambriolages et agressions montrent que cette condamnation est extrêmement lourde. Au strict plan du droit penal, un delit a été commis mais ça nous rappelle la condamnation de Flaubert pour avoir ecrit Mme Bovary, une oeuvre qu'on etudie dans les lycées de jeunes filles et dans toutes les universités US; Alors ? Laissons les tranquilles. Elles n'agressent personne et cette adolescente a du cran et son amante aussi. Ensuite, relisons Shakespeare ou Phèdre..

Écrit par : Odeladeule | 25/09/2013

Que n'aurions-nous pas entendu si un enseignant avait eu le même genre de relations avec une mineure de 15 ans ?
Didier Specq, en bon hétéro, fantasme sur les amours lesbiens.

Qu'aujourd'hui, la jeune fille n'est plus moins de 15 ans, que l'enseignante ne soit plus aujourd'hui "une personne ayant autorité" et qu'elles puissent se marrier dans 3 ans est une chose, mais la matérialité des faits au moment où ils ont été commis en est une autre.

Marriage pour tous, Loi pour tous.

Écrit par : Bonsensenaction | 25/09/2013

Chers Bruno, Odeladeule et Bonsensenaction,

Effectivement, il n'est pas impossible que ces relations entre deux personnages féminins "passent" mieux que des relations où des hommes seraient des acteurs. Il n'en reste pas moins que les réquisitions de la procureure semblent très lourdes. Merci de vos interventions. DS.

Écrit par : didier specq | 25/09/2013

Il ne s'agit pas de réprimer un "amour hors norme", mais de réprimer la pédophilie.

Une Femme, adulte, qui profite sexuellement d'une petite fille, c'est tout simplement monstrueux.

La justice ne sera jamais trop sévère face à la monstruosité pédophile.

Écrit par : Christophe | 26/09/2013

C'est un très bel article tout en finesse et en délicatesse.
Tout est dit avec beaucoup de sobriété.
Il n'y a eu ni violence, ni agression.
Dans 3 mois, tout aurait été possible mais il y a la loi "dura Lex Sed Lex" Il s'agit pourtant d'une histoire d'amour humaine.
Le fait que cette histoire se soit passé entre 2 femmes serait-il une circonstance aggravante?
En tout cas, Didier, cet article ferait une bonne plaidoirie de la défense. Cordialement. Marie-France Vanovermeir

Écrit par : VANOVERMEIR Marie-France | 26/09/2013

Cher Christophe,

Pédophilie (le fait d'aimer sexuellement des enfants), ça n'existe pas dans le code pénal. Ce qui existe, c'est l'interdiction de toute relation sexuelle avec un mineur de moins de 15 ans. Et la "jeune" que j'ai vue au tribunal c'est pas une enfant. Elle est trop jeune, c'est une adolescente, c'est une jeune fille, c'est tout ce que vous voulez mais ce n'est pas une enfant. Et les relations sexuelles qu'elle revendique sont anormales, prématurées, illicites, tout ce que vous voulez mais elles ne sont pas monstrueuses. D'ailleurs, depuis peu, cette jeune fille a plus de 15 ans. Je vous signale par ailleurs que, jusqu'en 2006 en France, une jeune fille pouvait se MARIER à 15 ans...

Amicalement D.SP.

Écrit par : didier specq | 26/09/2013

Très bonnes interventions sur ce blog... C'est si rare qu'on apprécie. Mais pourquoi sont elles dispersées sur plusieurs adresses differentes. ? Constatons qu'il vaut mieux voler des centaines de millions € en truandant les comptes de clubs de foot, ou ceux d'une entreprise, ou même de provoquer une crise mondiale, du moment qu'on a un as du barreau, tout va bien. Et l"affaire *DSK autrement plus grave à New York, aboutit, en raison d'un juge elu et peureux pour les prochaines elections à un quasi acquittement.

Écrit par : Odeladeule | 28/09/2013

pour un point de vue juridiquement correct et plus pertinent...
http://www.maitre-eolas.fr/post/2013/09/26/Qu-en-termes-galants-ces-choses-l%C3%A0-sont-dites#comments

Écrit par : nomame | 29/09/2013

Donc au final c'est une condamnation plus lourde que les réquisitions, 18 mois avec sursis contre 8 requis, mais pas d'interdiction d'exercer. Savez vous ce qu'il en est de l'inscription au FIJAIS?

Écrit par : Mussipont | 07/10/2013

Cher Mussipont,

La condamnation n'est pas vraiment plus lourde si l'on considère que la condamnée n'écope pas de toutes les contraintes de la mise à l'épreuve requises par la procureure. Quant à l'inscription au fichier des délinquants sexuels, on me dit que, pour ce type de poursuites, c'est obligatoire. De toutes façons, elle est inscrite au FIJAIS.

Écrit par : didier specq | 08/10/2013

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