07/10/2013
Comment réprimer des amours illicites (bis)
Ainsi donc, la prof amoureuse de son élève prend 18 mois de sursis.
"C'est énorme" diront peut-être les pessimistes. "Il n'y a pas de mise à l'épreuve, c'est un sursis simple" jugeront ceux qui voient le bon côté des choses.
Rappelons que, lors du procès, la procureure avait requis, voici quelques semaines, 8 mois de prison avec sursis et mise à l'épreuve. Une mise à l'épreuve qui, pour la procureure, devait comporter l'obligation de se soigner (se soigner de quoi? Mystère), l'interdiction de voir la jeune fille (alors que celle-ci est désormais âgée de 15 ans et que la prof n'est plus sa prof donc elle n'a plus "autorité" sur elle), l'interdiction d'exercer un métier en rapport avec des mineurs et l'interdiction (assez comique si l'on y songe) de parler aux journalistes.
Reste donc l'inscription au fichier national des délinquants sexuels qui est automatique dans ce genre de dossier. Notons tout de même que les juges peuvent faire une exception si elle est spécialement motivée. Mais, en l'occurrence, la chambre correctionnelle présidée par Alexa Fricot n'a pas jugé bon de déroger à la règle.
Finalement, le tribunal a relaxé la prof sur la période suspectée antérieure à juin 2012. Relaxe aussi pour les éventuelles "relances" par des moyens électroniques (SMS et mails).
Nous avons donc au final une prof (aujourd'hui suspendue et virée probablement demain) qui était amoureuse d'une collégienne âgée de 14 ans et a eu des relations intimes avec elle. De juin 2012 à avril 2013, date de découverte des faits et de la plainte de la mère. Soit un peu moins d'un an...
Des amours illicites puisque la prof (adulte "ayant autorité" comme dit le code pénal) ne pouvait avoir de relations intimes avec cette élève avant ses 18 ans. Des amours aujourd'hui licites puisque l'élève a maintenant 15 ans, date de la majorité sexuelle, et que la prof n'est plus sa prof. D'abord, la collégienne n'est plus collégienne, elle est lycéenne...
Tout est bien qui finit bien? Le pire a été évité dans cette histoire intervenue au collège Louise-Michel, à Lille-Sud où aucune des femmes incriminées ne renie son amour? Chacun répondra à sa façon.
Il n'empêche que l'inscription au fichier national des délinquants sexuels recèle des conséquences lourdes pour la condamnée. Cette flétrissure légale entraîne un pointage tous les six mois au commissariat pendant trente ans... Inutile de dire que dans une petite ville ou un commissariat de quartier cette flétrissure est de fait publique. Inutile de dire que, du point de vue professionnel, la condamnée a du souci à se faire. Et, pour terminer, ajoutons qu'il n'est pas possible de revenir sur cette inscription. Vous avez dit liaisons dangereuses?
Je ne sais pas ce que deviendra la jeune fille assistée d'une certaine façon par Me Gaëlle Moquet qui défendait la mère. J'ignore également ce que deviendra la prof défendue avec passion par Me Aurélie Panier. Grosso modo, on sait que la jeune fille revendique toujours son amour et que, après avoir passé son brevet, elle veut vite passer son bac, avoir 18 ans et se marier avec la prof. L'avenir n'est inscrit nulle part. Mais, dans trois ans, je penserai à elles.
Didier Specq
16:17 Publié dans Féminisme, Justice | Lien permanent | Commentaires (10)
Commentaires
Bien écrit avec les litotes qui conviennent avant une jolie chute. Et peut être un article en 2016..
Écrit par : Odeladeule | 07/10/2013
Cher Odeladeule,
Merci! DS
Écrit par : didier specq | 08/10/2013
Cette inscription ayant une certaine importance dans votre propos, je me permets une précision : le délit poursuivi faisant encourir une peine de 10 ans d'emprisonnement, la juridiction n'avait AUCUNE possibilité d'exclure l'inscription automatique au FIJAIS, possibilité offerte uniquement pour les délits faisant encourir 5 ans d'emprisonnement (article 706-53-2 du code de procédure pénale).
Écrit par : Dadouche | 08/10/2013
avant de porter plainte,la "mère" aurait du avoir une conversation avec cette prof.;résultat une condamnation pour
aimer,pour une agression à coups de poing et de pied,la facture est moins lourde; vous avez dit justice?????
Écrit par : lainé | 08/10/2013
Didier Specq ou Grégory Debat-Lassus aiment trouver de la romance dans la pédophilie lesbienne. Immonde !
Écrit par : Bonsensenaction | 08/10/2013
Cher Bonsensenaction,
Votre pseudo est fort mal trouvé... car du bon sens, vous en manquez.
Didier Specq est un chroniqueur judiciaire à Lille depuis fort longtemps et, contrairement à vous, connaît ce dossier, ce qui lui confère une légitimité que vous n'avez pas pour en parler.
Mais après tout, il n'est pas donné à tout le monde d'être capable de prendre de la hauteur sur ce type de sujets...
Merci Didier
Écrit par : Lilidit | 09/10/2013
« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. En quoi il n’est pas vraisemblable que tous se trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger, et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes ; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien. Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices, aussi bien que des plus grandes vertus ; et ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer beaucoup d’avantage, s’ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent, et qui s’en éloignent »
Merci Descartes !
Écrit par : David L | 09/10/2013
Ce français chatoyant, cette syntaxe d'une souplesse inouïe, la pensée longuement mûrie, chaque argument pondéré, les comparaisons qui eclairent le chemin du lecteur, Descartes egale Proust dans cet extrait.
Écrit par : Odeladeule | 10/10/2013
Le temps érode fatalement l'urgence des révoltes et des illusions et l'on regarde avec un sourire amusé les commandeurs, les Zorro, les Robin Wood, les accrocs des mouvements d'échanges contemporains analyser l'humaine nature, en se demandant si avant d'aller combattre les moulins à vent, ils ont pensé à emmener au combat cette simple notion du respect des autres...
Écrit par : alex | 11/10/2013
@alex : Robin HOOD dans la forêt de Sherwood ! Wood, c'est Nathalie.
Écrit par : Odeladeule | 29/10/2013
Les commentaires sont fermés.