Péripéties judiciaires

Invisible!

Une semaine de procès, 104 années de prison ferme requises, 18 prévenus dont 9 toujours placés en détention provisoire depuis au moins le début de l’année, des centaines de kilos de cannabis importés vers Lille du Maroc. Après les dernières plaidoiries vendredi, le président Jacques Huard a annoncé qu’il rendrait son jugement le 22 octobre prochain.

Toutefois, au milieu de ces débats fiévreux et menaçants (une bagarre éclatait par exemple vendredi midi entre bandes rivales sur le parking devant le tribunal), un homme est resté totalement invisible. Et pour cause… Il s’agit de Kamel Q., un convoyeur de stupéfiants qui, pour la première fois au tribunal de Lille, bénéficie du statut de « repenti » garanti par l’article 132-78 du code pénal.

L’homme a beaucoup « balancé » et, comme le spécifie le procureur Fourtroy, il a « fait progresser l’enquête de façon significative ». Reste à savoir pourquoi le jeune homme a adopté cette attitude qui, de peur de représailles, l’a déjà obligé à quitter Lille.

Le 10 mars 2011, Kamel Q. est arrêté au péage de Fresnes, près d’Arras, sur l’autoroute dans le sens Paris-Lille, avec 488 kilos de résine de cannabis dans son coffre. En fait, le transport devait avoir lieu la veille au soir. Mais un coup de téléphone, la veille à Paris, lui intime l’ordre de prendre la route le lendemain matin.

Or, avant son arrestation, le jeune homme s’aperçoit qu’il est suivi par la police. Et, surtout, peu après son interpellation, il constate durant sa garde à vue que les enquêteurs connaissaient l’immatriculation de son auto et pourquoi elle avait été louée dans une agence de La Madeleine près de Lille.

Kamel Q. aurait pensé alors qu’il a été « donné » pour qu’un plus gros voyage passe tranquillement. Une impression confirmée quand le convoyeur apprend que la marchandise qu’il transportait était de très mauvaise qualité. Une chose est sûre: le gardé à vue s'est mis à beaucoup parler.

Le jeune homme est donc resté invisible durant tout le procès et seulement représenté par son avocat, Me Pascal Leroy. Le procureur a requis contre lui 2 ans de prison sans mandat de dépôt. De quoi reprendre une autre vie ailleurs ?

Didier Specq