18/10/2013

Les mystères du Sapin Vert

sapin vert.jpg

239.000 euros en petites coupures. Et pas de preuves incontournables.

Attention, le « trappon », dans ce dossier mystérieux, c’est très important. Il s’agit d’une sorte de trappe très sécurisée où un convoyeur de fond peut glisser des sacs de billets. Le trappon est sécurisé aussi à l’intérieur de l’établissement bancaire qui reçoit les fonds afin d’éloigner les braqueurs ou les mains malveillantes venues de l’intérieur. Des clés et des codes compliqués protégent ce sas sécurisé.

Or, à 10 h 22 le 6 septembre 2010, 239.000 euros en billets disparaissent d'un trappon. Trois sacs de billets neufs emportés par une main anonyme ! Ils étaient destinés à alimenter le distributeur automatique de billets du bureau de poste du Sapin Vert, à Watttelos. Les virements de la CAF allaient arriver et les retraits automatiques allaient être nombreux dans le quartier.

Les soupçons pèsent rapidement sur Nassera L., une des employées de ce petit bureau. Elle connaissait les manipulations permettant de laisser ouverte, pendant quelques secondes, la trappe extérieure. La jeune femme, employée de la poste depuis 7 ans, est défendue par Me Blandine Lejeune. Elle a admis, avec beaucoup de prudence, avoir eu le sentiment, peut-être, d’avoir été « manipulée » par un autre employé de la poste, Hilal H., avec qui elle avait eu des relations intimes.

Hilal H. nie formellement. Mais, malgré son salaire de 1.500 euros, son train de vie étonne les magistrats. Il roule carrosse : New Bettle, Audi TT, Audi Q7… Plus une boîte de nuit revendue, dit-il, 220.000 euros. De nombreux SMS, qui sont relayés par des bornes téléphoniques aux alentours des lieux litigieux, sont échangés entre les deux personnages autour de 10 h 22. « Je revenais de vacances, je donnais des nouvelles » assure le jeune homme défendu par Me Julien Delarue.

Un troisième personnage apparaît sur les SMS : Mehdi G., meilleur ami du précédent, défendu par Me Quentin Lebas. C’est ce personnage, selon l’accusation, qui aurait retiré le magot de l’extérieur. Bref, si l’on considère la rafale de SMS entre les trois personnes, le trio est réellement très suspect.

Mais, à part le « sentiment », évoqué plus haut, de la jeune femme et un demi-aveu très vite rétracté devant la juge d’instruction d’un des deux prévenus, le procureur Jean-Claude Travassac et Me Stéphane Bessonnet (pour la poste) n’ont pas grand-chose à se mettre sous la dent : pas de caméras de surveillance en fonctionnement, l'une d'elle a été aveuglée avec un coup de peinture par un inconnu, pas de témoins directs et surtout aucune trace des sacs de billets qui se sont littéralement évaporés !

Après des heures de débats fiévreux, vers minuit, la présidente Alexa Fricot émet jeudi son jugement: 24 mois de prison dont 12 avec sursis et mise à l'épreuve et pas de mandat de dépôt pour chacun des prévenus.

Les trois prévenus, qui ont subi de la détention provisoire déjà, ne retourneront pas en prison. Mais va se poser un problème épineux pour eux: rembourser à la poste les 239.000 euros que l'administration ne manquera pas de réclamer.

Didier Specq

Les commentaires sont fermés.