21/10/2013

Manuel et Leonarda

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Que diront les historiens de cette épisode de la politique française?

Ainsi donc, une jeune fille de 15 ans donne la réplique à un président de la République qui lui offre l'asile. Encore quelques instants et c'est le père qui répond, sans précaution oratoire excessive, au président. On se frotte les yeux mais c'est comme ça.

Avant, on aura vu un déchaînement étonnant. Un ministre de l'intérieur revenu d'urgence de la Martinique parce qu'il avait appliqué la loi. On peut d'ailleurs s'étonner que, comme dans un "Guignol" pour enfants, on s'attaque à Manuel Valls, au ministre de l'intérieur, au vilain gendarme.

Christiane Taubira, par exemple, ministre de la justice, est bien celle qui est "responsable" des sept recours présentés en vain par le père devant différents tribunaux contre la décision initiale de refus prise par l'Office Pour les Réfugiés et les Apatrides (OFPRA). Pour l'OFPRA, le père n'était en effet pas un réfugié politique et on voit aujourd'hui que l'OFPRA avait raison.

Non, dans le Guignol, c'est le ministre de l'intérieur qui doit recevoir les coups de bâton et c'est donc lui qui est dans le collimateur. Christiane Taubira pouvait demander à modifier la loi, elle n'en a rien fait (d'ailleurs, qu'a-t-elle fait en général sur la question des étrangers?) mais personne ne la met en cause.

A partir de là, tous les coups sont permis. Lorsque que quelqu'un dépose une demande d'asile politique, il n'est plus en séjour irrégulier jusqu'au moment où sa demande est acceptée ou refusée? C'est la faute à Valls.

Les recours durant presque 5 ans? C'est la faute à Valls. Des avocats performants, payés par l'aide juridictionnelle d'Etat pour contester les décisions de l'Etat, réussissent à faire durer la procédure? C'est la faute à Valls. On ne peut plus, avant l'expulsion, placer une famille avec enfants dans un camp de rétention? C'est la faute à Valls. Léonarda, qui comme tous les membres de sa famille, savait qu'elle allait être expulsée, n'attend pas sagement chez elle mais part dans un bus scolaire? C'est la faute à Valls.

Les policiers, qui ont en main les billets pour le voyage en avion vers le Kosovo, cherchent à rassembler la famille et arrêtent le bus? C'est la faute à Valls. Rien n'interdit aux policiers de demander l'arrêt du bus? C'est la faute à Valls. Et d'ailleurs les policiers se sont tenus hors de la vue des autres enfants... C'est encore la faute à Valls.

Ecoutons Bernard Roman, député socialiste, c'est carrément une "rafle" contre laquelle il existerait un "devoir d'insurrection". Et Esther Benbassa, sénatrice écologiste, spécialiste de l'histoire des minorités, d'insister: "Moi qui pensais que la France n'avait pas perdu la mémoire de sa sombre histoire, j'étais loin d'imaginer qu'en temps que parlementaire, en 2013, élue du peuple, je serais témoin d'une rafle. Car, oui, il faut bien le dire, c'est une rafle. Certains Français auraient-ils la mémoire si courte?"

Nous n'osons imaginer qu'en parlant de Manuel Valls ces deux parlementaires parlent d'une "rafle" dans le cas de Léonarda comparable à celles qui se déroulaient durant la seconde guerre mondiale? Ou peut-être s'agit-il de certaines rafles tragiques pendant la guerre d'Algérie? Nous avons sûrement mal compris. Car, contrairement au Guignol, tous les coups ne sont pas permis dans la vie politique réelle, non?

Bien sûr, demain, une politique de l'immigration fonctionnera. Et des limites seront posées. Et, au delà des limites, des expulsions seront ordonnées. Mais, chut, on quitte le Guignol pour entrer dans la vie réelle.

Didier Specq

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