20/11/2013

Victime ou coupable d'un colis postal

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Un an de prison pour un délit postal assez confus.

Dans le box, la jeune femme âgée de 24 ans raconte une histoire qui semble invraisemblable aux magistrats. Le 12 novembre dernier, Priscilla M., née au Surinam, semble s’informer sur internet de la venue d’un colis postal.

Il a été envoyé à son ancienne adresse boulevard Victor Hugo à Lille. Au bureau de poste, la remise du colis est très surveillée : depuis son envoi en Guyane, la douane sait que ce colis contient de la cocaïne. La jeune Lilloise est interpellée : le paquet chrono-post contient 2,1 kg de cocaïne d’une excellente qualité. « Une valeur de 500.000 euros » estime la procureure Valérie Lecrohart en évoquant la contre-valeur des reventes sur le marché clandestin. Il est peu probable qu’en Guyane, la valeur, au moment de l’envoi du colis, soit la même.

« Il est difficile d’imaginer que l’envoyeur, avec la valeur de ce colis, vous l’adresse par hasard » note le président Robert Adam. Car la jeune femme nie mordicus : « J’attendais un colis de chips aux piments qu’un ami devait m’envoyer du pays ».

La jeune femme ne changera pas de position. Mais les magistrats ont gardé des souvenirs d’une autre histoire, une histoire où, pourtant, la prévenue avait été relaxée. En 2009, de façon assez similaire, Priscilla M. avait été interpellée et gardée à vue car elle avait reçu un colis de stupéfiants.

A l’époque, on avait fini par croire l’histoire racontée par la jeune femme : elle savait qui avait envoyé ce colis mais elle en ignorait totalement le contenu. La gardée à vue avait été relâchée et l’ami, dont l’identité avait été donnée, n’avait jamais été retrouvé.

Un récit où une relaxe est intervenue peut-il fonder l’accusation actuelle ? « Oui » répond sans hésiter la procureure.

« La prévenue est liée au milieu de la drogue, elle admet que son père trafiquait des stupéfiants, elle connaît des trafiquants qui lui adressent de la cocaïne, elle change sans cesse de version, on n’arrive pas à savoir où sa mère habite entre la Hollande et la Belgique, on lui envoie bien à son nom une très grosse quantité de stupéfiants ; on lui envoie à une adresse ancienne mais où elle peut récupérer le colis car c’est une boîte aux lettres commune et elle connaît des gens sur place ». Tels sont les arguments de Valérie Lecrohart qui réclame, à la stupéfaction de la jeune mère de famille, 18 mois de prison et un mandat de dépôt.

En défense, Me Anaïs De Bouteiller bataille ferme : « Ce ne sont que des présomptions, jamais des preuves. Ce n’est pas parce que son entourage est suspect que sa culpabilité est établie ». L’avocate ajoute que, si l’on n’avait pas téléphoné pour annoncer l’arrivée du colis, il y a gros à parier que sa cliente ne l’aurait pas su et n’aurait donc pas été chercher ces deux kilos de cocaïne. Et d’ajouter : « Par ailleurs, on ne retrouve pas l’expéditeur et ma cliente n’a même pas eu le temps d’ouvrir le paquet. On n’a pas pris le temps de voir ce qu’elle ferait avec ce colis. C’est une enquête très incomplète et les hésitations dans les déclarations de ma cliente sont tout simplement celles du jeune mère affolée ! ». Jugement : coupable ! 12 mois de prison et un mandat de dépôt tombent.

Didier Specq

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