Péripéties judiciaires

Mais comment en est-on arrivé là ? Mercredi, le président Mikael Simoens a prononcé une jugement plutôt clément dans l’affaire des 3 skin heads qui, le 17 avril dernier, s’en sont pris, à Lille, à un bar gay. 6 mois de sursis pour chacun des prévenus alors que le procureur, le jour du procès, demandait 6 mois ferme. Et, surtout, relaxe sur les injures homophobes citées par les victimes.

Quel contraste avec certaines déclarations enflammées du printemps dernier alors que la tension était à son comble sur la question du mariage gay ! On peut se rappeler le contexte : certains parlaient de ligues factieuses comme en 1934, d’une renaissance de groupes violents de droite, etc.

Juridiquement, c’est un peu l’histoire d’une procédure précipitée ! D’abord, ce soir du 17 avril, les 3 trublions sont rapidement arrêtés. Certes, les victimes présentent des coups mais aucun jour d’immobilisation n’est constaté.

Pourtant, la procédure engagée est relativement brutale : c’est la comparution immédiate. Et, comme les 3 prévenus demandent devant la présidente Nourith Reliquet le report de leur procès, on juge bon de placer le trio en détention provisoire. Or, le moins que l’on puisse dire est que, pour de telles violences sans blessé grave, on ne place généralement pas les gens en prison surtout lorsqu’ils n’ont jamais été condamnés, qu’ils travaillent régulièrement et qu’ils ont une adresse…

Les avocats de la défense font appel de cette décision de détention provisoire. Et, effectivement, le trio est remis en liberté par la Cour d’Appel de Douai
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Quand le procès en comparution immédiate revient sur le fond –nous sommes déjà en juin et la tension est retombée- la défense pointe un gros problème. « On a confondu vitesse et précipitation » ironise Me Maxime Moulin qui mène l’assaut.

En effet, en comparution immédiate, quand aucune interruption temporaire de travail n’est constatée par le médecin légiste, il n’est pas possible de poursuivre les gens pour violences avec 2 circonstances aggravantes. Or, là, on poursuit pour des violences « en réunion » (ce qui garantit une condamnation globale mais si un des trois n’a eu, par exemple, qu’un rôle de guetteur) et « en raison de l’orientation sexuelle des victimes ». Me Moulin pousse son avantage : « Il fallait sans doute communier dans la défense des homosexuels agressés ».

Pour sauver la procédure qui n’est pas conforme, le procureur décide de poursuivre, à côté des violences en réunion, pour le délit spécifique d’injures homophobes. Or, c’est un délit de presse. Or on ne peut pas poursuivre un tel délit en comparution immédiate.

On renvoie alors devant une audience correctionnelle « normale ». Et, le 4 septembre, les avocats de la défense, Mes Maxime Moulin, Guillaume Ghestem et Jérémy Cateau s’acharnent à démontrer que les injures homophobes ne sont pas si évidentes que ça.
Le procureur demande une peine de 6 mois de prison sans mandat de dépôt pendant que Me Maxime Moulin s’insurge : « C’est un bar qui sert une clientèle spécifique et le look de nos clients ne correspondait pas ! C’est le début de l’altercation et ça n’est que ça ! ».

Relaxe donc pour les injures homophobes et 6 mois de sursis pour les violences et les dégradations. Plus des dommages et intérêts pour les victimes bousculées et la société gérant le bar à la vitrine étoilée. Me Aurélien Blat (parties civiles) se déclare « un peu déçu quand même ». Ajoutons que, dans la logique de ce jugement, les associations homosexuelles parties civiles sont déboutées.

En riposte, côté défense, on fait remarquer que les 3 prévenus ont été emprisonnés un temps et ont perdu leur travail avant tout jugement. Il n’en reste pas moins, pour être complet, que les prévenus avaient effectivement de sérieuses proximités avec des organisations de droite dure.

Mais c’est ainsi qu’une procédure qui démarre sur les chapeaux de roues finit assez modestement.

Didier Specq