11/12/2013
Anachronismes et lutte de classes
Quand la justice se saisit d'un problème vous concernant, ça peut toujours finir mal...
Ainsi donc, Martine Aubry, maire de Lille et peut-être un jour premier ministre, n'est toujours pas tranquille avec l'affaire de l'amiante. Résumons. Il s'agit de plaintes, déposées en 1996 pour les premières, concernant les travailleurs de l'usine Ferodo-Valéo de Condé-sur-Noireau dans le Calvados. Des garnitures de freins pour les automobiles et des composants qui contenaient de l'amiante. Bref, des travailleurs atteints d'un cancer lié à l'amiante déposent plainte.
Investigations d'une juge d'instruction qui s'aperçoit qu'un certain nombre de hauts-fonctionnaires étaient au courant de la nocivité de l'amiante. Et que, concrètement, ils avaient pour certains d'entre eux tardé à mettre en oeuvre en France une directive européenne visant à la quasi-interdiction de l'amiante. Or, Martine Aubry, de 1984 à 1987, était directrice du travail dans le ministère du même nom. Et comme la France a tardé, pendant quatre ans, à mettre cette directive...
Bref, la juge d'instruction avait mis en examen Martine Aubry pour "homicides et blessures involontaires". Bing, ça fait mal.
Bien sûr, c'est la date de découverte des faits qui, sous certaines conditions, compte. Donc, il n'y a éventuellement pas prescription. De ce point de vue, il n'y a pas anachronisme.
Bien sûr aussi, Martine Aubry explique qu'elle a agi selon les "connaissances scientifiques de l'époque". Hum... Là, il existe un petit anachronisme embêtant. C'est que l'amiante et ses conséquences sur les travailleurs qui la manipulent sont connues depuis longtemps. La preuve, depuis le début des années 1950, c'est considéré comme une maladie professionnelle! Mais, un peu comme la silicose pour les mineurs, on avait tendance à considérer que les travailleurs, après tout, pouvaient souffrir ou mourir des maladies professionnelles. On payait des pensions, voilà tout.
Et d'ailleurs, c'est d'abord du point de vue des consommateurs, au début des années 1970, que le combat sur les effets de l'amiante a été mené. Notamment du point de vue des utilisateurs de bâtiments où l'amiante avait été employée. Après, mais après seulement, on s'est occupé des travailleurs.
La question posée par la juge d'instruction de ce dossier, au moyen de la mise en examen de certains hauts-fonctionnaires, n'est donc pas stupide: en 1984, était-on, dans les bureaux parisiens, au taquet sur la question des poussières d'amiante qui attaquaient au quotidien les poumons des travailleurs de l'amiante? Question complexe qui met en jeu non seulement les connaissances scientifiques de l'époque mais aussi la façon dont, à ce moment précis de l'histoire sociale, on envisageait les maladies professionnelles.
La Cour d'Appel de Paris avait donc annulé ces mises examen. La Cour de Cassation vient de les rétablir. Martine Aubry saura sans aucun doute se disculper de ces accusations. Mais il lui faudra d'abord répondre aux questions des magistrats instructeurs.
Didier Specq
17:20 Publié dans Justice, social | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
En 1969 1970, j'etais cooperant militaire au Quebec au ministère de la Santé au service organisation methodes intégrée dans une equipe dont la mission etait de reorganiser de fond en comble le reseau des unités sanitaires de la province ( Health Units = +/- les dispensaires.
Le Quebec produisait depuis des lustres de l'amiante ans les mines de Thetford (PQ) . Le danger de la poussière d'amiante etait connu depuis lontemps puisqu'elle provoquait l'asbestose, maladie professionnelle reconnue et traitée depuis longtemps dans la province. Le dépistage de l'asbestose etait dont très développé et les recherches medicales et universitaires à ce sujet très fortement financées.
Comment, 20 ans plus tard et après des centaines d'etudes supplementaires, Martine Aubry peut elle pretendre avoir ignoré le danger de ce produit au poste où elle etait ? Avec les microparticules emises par les moteurs diesel, nous nous trouvons devant une situation identique.
Écrit par : Odeladeule | 16/12/2013
Cher Odeladeule,
C'est justement la difficulté que je voulais soulever: le consommateur est souvent plus protégé que le citoyen de base. Ceux qui n'ont pas de voitures diesel (alors qu'elles étaient souvent vendues avec un label vert voici 10 ans parce qu'elles émettaient mois de C02 qu'un moteur essence) crient au scandale des micro-particules. Ils ont raison. Mais ils se taisent brusquement quand on leur dit que les feux de bois dans les cheminées et les inserts émettent autant de micro-particules.
D.S.
Écrit par : didier specq | 17/12/2013
Dans un incendie de forêt, ii est utile d'allumer un contre feu facile à contrôler pour arrêter la propagation galopante d'un incendie ... Cette histoire de pollution par l'usage du bois dans les cheminées a tout du contre feu. Car en France, le chaufage au bois reste un moyen de se chauffer très peu utilisé dans les villes. Tandis que tous les jours, quand je sors de chez moi pour aller à pied en centre ville, je respire les gaz toxiques emis par des centaines de milliers de moteur diesel ( imposés en France par le lobby Peugeot) et qui empestent Lille de leur odeur de pain d'epices brûlé. D'autre part, en Suède ou le chauffage au bois est genéralisé dans tous le pays ( chauffage urbain en particulier) et la voiture diesel très lourdement taxée ( elle est quasi inconnue car taxée à plus de 160 % de la valeur d'achat avec une TVA à 25%) , l'air qu'on respire dans les villes est le plus propre d'Europe. D'ailleurs, en France, les transports sont responsables de plus de 42% de la pollution de l'air et rien n'a jamais eté fait pour reduire cette pollution. Si bien que l'UE hausse la voix car as usual, la France est aussi en retard dans ce domaine là. D'ailleurs le cadeau de Noël dans le vent, c'est le masque pour cyclistes made in China bien qu'on ne sache pas trop s'il arrête réellement les micro particules.
Écrit par : Odeladeule | 21/12/2013
C'est pas ce que disent nos amis canadiens: http://www.mddep.gouv.qc.ca/air/chauf-bois/
Écrit par : didier specq | 23/12/2013
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