Péripéties judiciaires

Voici quelque temps, le député-maire socialiste de Wattrelos était cambriolé par ce qu’il est convenu d’appeler des Roms. Dans la même journée, le vol s’étant déroulé un peu après midi, les empreintes étaient relevées, envoyées à l’ordinateur central de la police et les récidivistes identifiés par leurs traces étaient arrêtés dans la soirée. Deux jours plus tard, en comparution immédiate, ils étaient envoyés sans coup férir en prison.

La dame de 91 ans qui nous occupe aujourd’hui a eu moins de chances. En plein jour, le 8 août 2012 à Mons-en-Baroeul, alors qu’elle regarde la télé, un homme force la porte alors que la victime lui tourne le dos.

L’homme met la main sur la bouche de la dame afin de l’empêcher de crier et, comme il s’aperçoit qu’elle se déplace difficilement, il la traîne vers la salle de bains. L’agresseur l’enferme alors dans la salle d’eau en bloquant la poignée de la porte avec des lacets qui condamnent l’ouverture. Le logis de la victime est mis sans dessus dessous. Et l’homme, avant de s’enfuir, fait main basse sur quelques sous : 15 euros au total.

On imagine la frayeur de la dame attaquée dans un béguinage. Elle va réussir à se libérer en coupant les lacets avec une paire de ciseaux présente dans le placard de la salle de bains. Depuis, dit le personnel du béguinage, elle n’est plus la même, elle a très peur…

Là aussi, la police va relever des empreintes. Mais, apparemment, l’enquête est moins prioritaire que celle citée au début de l’article : c’est fin novembre que l’identité de l’agresseur sort enfin de l’ordinateur de la police… Et c’est jeudi dernier que le jeune homme, interpellé après une convocation au commissariat, sera interpellé. Il est récidiviste et cinq lourdes condamnations s’affichent à son casier judiciaire.

Surprise du président Bernard Lemaire : « Avec de telles condamnations, vous avez été embauché comme agent de médiation par Transpole ! En quoi consistent vos fonctions ? » Réponse : « Indiquer les correspondances dans le métro, renseigner les gens, apaiser les conflits, signaler les délinquants à la police ». Conclusion du président : « C'est-à-dire aviser la police de faits que vous avez déjà commis ».

La procureure Valérie Lecrohart s’étonne également mais Abdelessamehd D., 40 ans, répète qu’il regrette. « Je suis terrifié parce que vous m’arrivez » dit-il maladroitement. « Et la dame, vous ne croyiez pas qu’elle était terrifiée et qu’elle a toujours peur aujourd’hui ! 91 ans, vous réalisez ? » s’inquiète le président. « Je regrette, mon père a le même âge, le regrette » répète le prévenu. Et d’ajouter : « Quand j’ai été convoqué par la police, je suis venu tout de suite ». Soupirs du président Lemaire : « Vous regrettez ? Mais vous ne vous êtes pas dénoncé ! Tout ça pour 15 euros ! ». L’agresseur : « Honnêtement, s’il y avait eu plus, j’aurais volé plus, monsieur le président ».

Ceci dit, la procureure, si elle demande une peine de prison, ne requiert pas de mandat de dépôt. La prison mais, en quelque sorte, sans la prison. «Etant donné l’ancienneté des faits » ajoute Valérie Lecrohart.

La tâche est lourde pour Me Laura Campisano qui risque tout de même le mandat de dépôt pour son client. Une agression sur une personne particulièrement vulnérable, un casier judiciaire non négligeable... Me Campisano insiste sur la parfaite insertion, depuis avril dernier, de l’agent de médiation : « Il cherchait un boulot, il n'en trouvait pas en août 2012! Mais on lui a tendu la main en avriol 2013. Même si mon client est malhabile dans ses explications, la société n’a rien à gagner en lui faisant tout perdre et elle risque au contraire de le replacer dans une spirale infernale ». Un an ferme mais sans mandat de dépôt pour l’agresseur. La vieille dame était absente de l’audience et personne ne la représentait…

Didier Specq