17/12/2013

La voiture cellulaire ne disposait que d'une sécurité enfants!

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S'évader, ce n'est pas bien du tout. Sauf que...

Autant le dire tout de suite, une succession d’évasions, à la prison de Sequedin, amènent souvent quelques sourires sur les lèvres des commentateurs. Lors du dernier gala de l’union des jeunes avocats (UJA), à Lille, des gags récurrents sont encore venus accréditer une réputation un peu embêtante pour la prison en question. Il est vrai que les deux dernières évasions, jugées dernièrement en comparutions immédiates, sont presque comiques.

Le 31 octobre dernier, une juge d’application des peines (JAP) lilloise s’aperçoit que deux certificats d’embauche, pour deux « détenus » en exécution de peine sous le régime de la semi-liberté, sont peut-être quelque peu bidonnés. Les deux jeunes Roubaisiens, impliqués et condamnés dans un trafic de stupéfiants, avaient été placés au centre de semi-liberté d’Haubourdin. En un mot comme en cent, ils devaient travailler la journée et rentrer sagement le soir à Haubourdin, à une quinzaine de kilomètres de Roubaix. Toutefois, justement, leurs embauches réelles tardaient. Qu’à cela ne tienne, la JAP renvoie en prison à Sequedin les deux présumés faussaires.

Le soir du 31, deux membres de l’administration pénitentiaire se rendent donc à Haubourdin récupérer Mohamed L. et Mohamed S., âgés respectivement de 20 et 19 ans.

Cependant, selon Me Antoine Berthe, le soir, aucun fourgon cellulaire n’est disponible. C’est donc dans une Clio que les deux « détenus » vont effectuer le court voyage entre Haubourdin et Sequedin. La modeste Renault, sur la banquette arrière où les deux jeunes gens menottés sont placés, ne dispose en tout et pour tout, comme dispositif d’enfermement, que d’une sécurité enfant. Cette sécurité a été mise.

Au dernier feu rouge avant la prison, à l’intersection des rues de la Plaine et Emile Zola, Mohamed L. tente en vain d’ouvrir la porte. Il ouvre alors discrètement, avec ses mains menottées, le carreau de la modeste Renault, réussit à appuyer sur l’ouverture extérieure et prend la poudre d’escampette. Mohamed S. le suit aussitôt.

« On a agi sur un coup de tête » s’exclament en chœur les deux prévenus qui, dans le box, nient toute concertation ou préméditation. Mais il est établi que le second a suivi le premier.

Côté administration pénitentiaire, un des gardiens se lance à la poursuite des fuyards. Mais il ne parvient pas à les rejoindre. Le surveillant s’étonne que son collègue, le chauffeur de la Clio, ne vienne pas à sa rescousse. « J’ai cru qu’il avait été blessé ou frappé » dit-il. En fait, le second gardien est resté au volant de l’auto, n’a même pas effectué de demi-tour pour courser les deux évadés et a attendu, sur le parking de Leclerc, la suite des évènements.

Bref, malgré un second appel sur le 17 (« la première fois, ça sonnait occupé » disent les gardiens), les policiers n’arriveront pas assez tôt pour cueillir les deux coureurs roubaisiens.

Lesquels font du stop et rentrent tranquillement à Roubaix où ils sont hébergés par des proches. « Mes parents m’ont dit, c’est complètement idiot, qu’est-ce que tu vas faire maintenant ! » explique l’un. Au bout de 2 jours, il va sonner à la porte du pénitencier. Le second mettra 4 jours avant de revenir se constituer prisonnier et préfère se rendre au commissariat central de Lille.

A l’audience, cette double « évasion » n’est pas du tout accueillie avec humour par la procureure Valérie Lecrohart. « C’est très grave car, outre les embauches de complaisance, les deux prévenus remettent en cause la discipline carcérale » explique la magistrate. 6 mois de prison supplémentaires sont requis contre l'initiateur, 4 mois pour le suiveur.

En défense, les deux avocats canonnent la procureure. Me Antoine Berthe prend le contre-pied : « Il n’y a pas si longtemps, dans le code pénal, on considérait que le désir de liberté était naturel chez le prisonnier et qu’il n’y avait pas évasion si, par exemple, une porte restait ouverte et que le détenu prenait la poudre d’escampette sans dégradations et sans violences ! C'est un petit gars qui a agi sur un coup de tête »

Me Aurélien Blat, pour le second prévenu, minimise lui-aussi : « Il a tout simplement eu peur d’aller en prison et, d’ailleurs, aujourd’hui, dans une cellule où ils sont trois, il dort par terre sur un matelas ! Les peines demandées sont totalement disproportionnées!»

Finalement, après délibérations, les prétentions de la procureure ont été réduites à un seul mois de prison supplémentaire pour chacun des deux.

Didier Specq

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