23/01/2014
Devant les juges, il ne faut pas avoir mauvais caractère
38 ans de prison effectués pour un braqueur qui n'a jamais tué ou violé, 4 ans pour un violeur...
Regretter ou pas ?
Il ne s’agit pas ici de comparer philosophiquement les mérites respectifs des regrets ou du refus de s’écraser face à la condamnation de la société. Mais l’actualité judiciaire nous offre tout de même l’occasion d’une comparaison concrète intéressante.
D’abord, Philippe El Shennawy qui vient d’avoir 60 ans cette semaine. L’homme, suite à une décision du juge d’application des peines de Créteil, vient d’obtenir une mesure de libération conditionnelle assez stricte. L’ex-braqueur porte un bracelet électronique et ne peut sortir de chez lui que pour travailler et pour quelques heures le week-end. Or, il est présenté comme le plus ancien détenu de France et il a passé 38 ans derrière les barreaux.
Ce détenu n’est pas exactement le plus vieux détenu puisque, dans les faits, il est déjà sorti de prison. Mais, après des violations de ses libérations conditionnelles et aussi quelques récidives, il a été à nouveau condamné lourdement. Mais, surtout, à l’examen de son parcours carcéral, on s’aperçoit qu’il ne s’est jamais « écrasé » : bref, son très mauvais caractère, malgré de multiples diplômes obtenus en prison, a joué à fond contre lui. La justice s’est toujours méfiée de lui et, par voie de conséquences, le détenu, transféré sans cesse, a longuement mijoté dans ses cellules et prisons successives.
Comparons avec Alain Pénin, 42 ans, le meurtrier d’une joggeuse de Marcq-en-Baroeul, Natacha Mougel. La jeune femme a été violée et assassinée dans des circonstances horribles qui s’apparentent plutôt à d'interminables tortures.
Or, en février 2010, le même homme était condamné par les Assises des Hauts-de-Seine à dix ans de réclusion. Pour une agression similaire : une jeune joggeuse menacée et violée dans une forêt et qui, blessée, avait réussi à fuir avant une mort sans doute certaine. Les mêmes faits. Cependant, Alain Pénin était sorti au bout de quatre ans de prison ! L’homme, fort face à une jeune femme violée et menacée, était en revanche un petit gars très respectueux de l’autorité en prison. D’ailleurs, une fois sorti de prison par l’application des peines à Lille, Pénin n’avait pas raté un seul de ses rendez-vous de contrôle judiciaire.
Loin d’avoir mauvais caractère ou de se révolter contre les contrôles, il vivait dans une petite chambre à Tourcoing entouré de la sympathie des bénévoles. D’ailleurs, il travaillait au resto du cœur local. C’est dire. Un chef d’œuvre de soumission et de réinsertion. Jusqu’au moment où il viole et il tue… « Je suis impardonnable » dit encore aujourd’hui Alain Pénin en restant dans le même registre si respectueux de l’autorité.
L’ex-braqueur aux 38 années de prison n’avait jamais tué ou violé. Mais, visiblement, lui n’avait pas le profil qui plaît aux juges et aux psychiatres.
Didier Specq
19:03 Publié dans Justice, Prisons | Lien permanent | Commentaires (7)
Commentaires
en effet c est ce qu on appelle le POUVOIR judiciaire ; heureusement qu il existe ; mais comme tout pouvoir , il n aime pas être défier
Écrit par : xavier | 23/01/2014
Comparaison absurde. Et si El Shennawy suscite tant de méfiance, c'est aussi parce qu'il a braqué (avec prise d'otage) quand il a retrouvé la liberté... Et vous oubliez en outre que les juges l'ont libéré malgré l'avis très réservé de la commission des mesures de sûreté, qui le trouve encore "dangereux" et "paranoïaque".
Écrit par : alex | 24/01/2014
Alors peut-être alex, mais il n'a quand même jamais tué. Tout ce qu'il a menacé c'est de l'argent...
Écrit par : Gaëlle | 24/01/2014
Comparaison absurde (+1) Quand Alain Penin a été libéré la première fois, lui non plus n'avait pas tué
Écrit par : Vince | 24/01/2014
Chers Alex, Xavier, et, Vince. C'est vrai que "comparaison n'est pas raison". Mais tout de meme... Ne faut-il pas s'interroger à travers le sens des décisions sur la hiérarchie qu'une société (il s'agit de celle dans laquelle nous sommes) donne à différentes valeurs ? Sans doute, Vince, qu'avant le meurtre pour lequel il a été jugé et condamné, Monsieur Alain Penin n'avait pas "tue", encore que pour la jeune femme qui fut victime de l'agression - à tort ou à raison - il ne doit pas y avoir grande différence tant cette dernière doit s'estimer psychologiquement détruite ou anéantie. Quoiqu'il en soit on touche, à travers les infractions reprochées à Monsieur Alain Penin, à la vie, à l'intégrité physique de la personne. Dans le cas de Monsieur Philippe El Shennawy, nous sommes sur une atteinte aux biens comme le souligne Gaelle. Ne peut-on pas considérer que la valeur que représente la vie est autrement supérieure à cette autre valeur qu'est la propriété d'un bien ? Et dans ce cas ne faut-il pas, dans le traitement "post-sentenciel" de l'auteur d'une infraction être davantage attentif à la nature de l'infraction commise à l'origine de la condamnation et à la compréhension du processus ayant provoque le passage à l'acte plutôt qu'au bon ou mauvais caractère (disons les choses "au côté grande gueule" ou non) du condamné ? C'est la, me semble-t-il remettre un peu d'objectivite et de sérieux, et, ce faisant, d'eviter cette "mise en miroir" - comme le fait Didier dans son article - de deux situations qui ne manquent pas d'interpeller et peuvent laisser un sentiment de malaise. En écrivant ces quelques lignes, je mesure l'imperfection de mon propos, et donc, la critique encourue : lors des braquages, atteinte au(x) bien(s) s'il en est, il peut aussi y avoir atteinte à l'integrite (au moins psychologique) des personnes (les otages d'un braquage) subissent un incontestable choc ou traumatisme. Je vous le concédé bien volontiers. Reste que même ainsi, gageons qu'il n'est pas satisfaisant de sonder sur le bon ou mauvais caractère de l'auteur d'une infraction pour déterminer la possibilité ou non, et, les modalités d'exécution d'une mesure de libération conditionnelle. Car il y a, dans ce cas, un risque d'erreur très important, et, avec ce risque des conséquences très douloureuses.
Écrit par : gl | 25/01/2014
"Comparaison absurde (+1) Quand Alain Penin a été libéré la première fois, lui non plus n'avait pas tué"
il n'a pas tué mais il a violé, c'est certainement moins grave où va t'on avec des raisonnement aussi médiocre et naîve ?!
Écrit par : margaux | 30/01/2014
Chers tous,
Bien sûr, c'est une comparaison et, comme souvent en matière judiciaire, c'est en grande partie une comparaison idiote puisqu'on compare des situations qui ne sont pas comparables. Mais, puisque les deux évènements surviennent la même semaine, je me suis permis de jouer avec cette coïncidence. Et, tout de même, 38 ans de prison effective pour le premier et 5 ans de prison réelle pour le second, ça interroge tout de même un peu non? Didier Specq.
Écrit par : didier specq | 30/01/2014
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