Péripéties judiciaires

Ainsi donc, après un blog plus confidentiel qui s'est retrouvé devant les tribunaux, "Libération", sous la plume de Luc le Vaillant pratique, lundi dernier, ce qu'on appelait jadis un "outing": contre l'avis d'une personne qui n'en parle pas spécialement, le journaliste révèle qu'un leader du Front National est homosexuel et donne son nom...

Ce qui partout ailleurs serait considéré comme une atteinte intolérable à la vie privée est donc apparemment permis en ce qui concerne un responsable du Front National!

Peut-on dire n'importe quoi sur le Front National? Luc le Vaillant explique les raisons de cette révélation: "jusqu'à présent, ce sont principalement des hommes de gauche qui ont revendiqué cette préférence. Bertrand Delanoë en a été l'emblème le plus visible. C'est aussi le camp des progressistes qui a donné des droits aux minorités sexuelles. Il sera intéressant de voir comment X (ici le nom du responsable FN) agira en ce domaine, etc"

C'est tout de même un peu fort de café. Le X en question a le droit de gérer ses préférences affectives supposées comme il veut. Il a bien sûr le droit à une vie privée. Et, par ailleurs, le X en question, n'en déplaise aux colleurs d'étiquettes, a aussi le droit de changer, d'être bisexuel, de s'interroger et aussi d'être contre le mariage ouvert aux personnes du même sexe. De nombreux homosexuels, rappelons-le, ne voient pas l'intérêt de ce mariage. A tort ou à raison, telle n'est pas la question. Une chose est sûre: faire le parallèle entre les options politiques d'un être humain et ses préférences sexuelles apparaît très, très contestable.

Surprise, du côté des "Inrocks", périodique qui partage pourtant souvent les options de Libération, on n'est pas d'accord avec cette façon de considérer les choses. Un journaliste des Inrocks affirme que, depuis un quinzaine d'années, la communauté gay se droitise, voire s'extrême-droitise. Et donc que Libération dit n'importe quoi en assignant les homosexuels à la gauche. Possible. Il n'en demeure pas moins que ces deux journaux qui se situent dans le camp progressiste estiment apparemment tous deux que le nom du responsable FN en question peut après tout être balancé.

Les deux journaux estiment en outre que l'homosexualité peut devenir légitimement un objet d'études et qu'elle pousserait à telle ou telle orientation politique. Bizarre pour des gens qui devraient estimer que l'orientation sexuelle est neutre et n'a aucune importance.

Didier Specq