11/11/2014

Féminisme et indignation contre un film...

index.jpg

"Osez le féminisme" ne supporte pas qu'un film mette en scène une horrible femme...

"Gone Girl" apparaît comme un film qui tranche dans la filmographie actuelle. Il suffit de signaler que, dans le cinéma récent, les femmes ne sont plus jamais mises en scène comme des personnages méchants. Lorsque, par hasard, une jeune femme a un rôle négatif, c'est généralement explicable par une méchanceté qu'elle a subie auparavant: son compagnon a mal agi, sa famille l'a brimée, ses parents ou ses voisins ont été machistes. Jamais une femme, notamment dans le cinéma français actuel, n'a un rôle totalement négatif. Bien sûr, "en face", on ne compte plus les rôles d'abominables messieurs. Attention, ce sont effectivement le femmes qui sont les victimes de l'essentiel des violences conjugales, la violence des femmes est infiniment plus rare, les délinquantes sont loin d'encombrer les tribunaux, etc. La violence, pour l'essentiel, c'est effectivement une affaire d'hommes.

Il n'empêche qu'il arrive tout de même de rencontrer des femmes qui enterrent ou congèlent leurs bébés en série, des femmes qui inventent des agressions sur leurs enfants et pleurent à la télé avant que les enquêteurs découvrent que ce sont elles qui ont tué, des fausses agressées, des fausses violées, des femmes qui ont un rôle moteur dans un groupe de pédophiles, etc. Loïc Sécher, un homme condamné aux Assises à Nantes à 17 ans de prison sur les seules accusations d'un adolescente, a été récemment libéré de prison parce que son accusatrice, devenue adulte, est revenue sur ses déclarations. Loïc Sécher, jamais condamné et qui avait toujours nié, avait le malheur de tomber sur une "pauvre" adolescente qui avait ému policiers, juges et jurés...

Bref, "Gone Girl", par ailleurs magnifique thriller, nous tient pendant 2 h 19 en haleine. L'histoire est relativement simple au départ. Deux jeunes gens, beaux et riches, se marient et filent le parfait amour. Ils sont installés dans le Missouri, état américain où la peine de mort est toujours en vigueur, et, un jour, l'épouse disparaît. Enquête.

On s'aperçoit alors que le mari s'ennuyait et qu'il avait une maîtresse, une jeune étudiante bien trop désirable. Les enquêteurs s'aperçoivent petit à petit que la disparue a semé des indices comme le petit Poucet. Une série de preuves scientifiques apparemment incontestables s'accumulent qui toutes tendent à une démonstration difficilement contournable: la disparue a été battue à mort par son mari, sa vie était une vallée de larmes, l'abominable machiste joue la comédie en s'inquiétant de la disparition de sa femme... Sauf que c'est l'inverse: l'héroïne a inventé des viols, a déjà commis un meurtre, etc.

"Osez le féminisme" s'indigne: "on est loin du portrait d'une femme forte, Amy est une grande maniaque, une grande coupable, coupable d'être une femme possessive prête à tout pour sauver l'apparence de son couple".

Quant à Nick, le héros, "il apparaît comme une pauvre victime des femmes, d'abord de sa folle de bien-aimée, mais aussi de cette harpie de journaliste qui l'accuse sans preuves, etc". Bref, "Osez le féminisme" n'a pas de mots assez durs pour dénoncer ce film qui "incarne le cliché patriarcal de la femme qui utilise la violence psychologique pour blesser et humilier son mari". Bref, c'est "l'art de déculpabiliser et d'encourager la violence masculine". Et, ces curieuses féministes, qui ressemblent à des bonnes soeurs caricaturales des années cinquante, ajoutent: "Les comportements adultères de Nick auprès d'une étudiante sont vite oubliés". Car le film, rappelons-le, ne dit pas que Nick est un personnage immaculé.

L'année dernière, en France, 121 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint. Et 25 hommes ont été tués par leur conjointe, soit 19% des victimes de violences conjugales mortelles sont des hommes. C'est peut-être peu, ce n'est tout de même pas totalement négligeable. Mais, pour "Osez le féminisme", les femmes ne peuvent être que des victimes et tourner un seul film où c'est la femme qui est à l'initiative des pires violences est insupportable. Les femmes ne sont toujours et partout que des victimes? C'est une vision des choses très peu féministe.

Didier Specq

Commentaires

Je n'ai pas vu le film, mais lu le livre ("Les apparences" de Gillian Flynn, que je conseille vraiment !) qui analyse assez finement les origines de la "méchanceté" (perversion serait plus juste) de l'heroïne qui porte le poids de la perfection imposée à la petite fille qu'elle était, puis à la femme qu'elle est devenue... Mais les féministes (enfin pas toutes quand même... "osez le féminisme" ne représente pas toutes les militantes de cette cause ...) préfèrent la victimisation et surtout la diabolisation des hommes. A cet égard, leur position sur la garde alternée et tout ce qui peut aider les pères à trouver leur place est aussi particulièrement contre-productive et pour tout dire insupportable !

Écrit par : Priscille | 11/11/2014

Bonjour,

Il me semble que votre article est extrême, et, pour tout dire, un peu de mauvaise foi.

Le travail du féminisme c'est de déconstruire notre environnement pour identifier quand il y a des conséquences néfastes genrées. Ici, l'idée n'est pas de dire que le film est mauvais, mais qu'il peut venir renforcer des schémas de pensées qui sont dangereux. La théorie masculiniste se borne à dire que les femmes sont vues comme des victimes mais manipulent dans l'ombre. Ce film, bien que fictif j'en convient, vient renforcer cette "légende urbaine", pour des besoins scénaristiques. En cela, effectivement, il incarne bien un cliché patriarcal. L'idée d'OLF est donc de dire "ce film doit être accompagné d'un warning, qui sont les chiffres réels des violences conjugales et les processus compliqués de prise en charge des personnes victimes aux USA justement". OLF ne se pose pas en tant que critique de cinéma, mais précise "Attention, il ne s'agit pas de nier les cas de violence féminine, psychologique et/ou physique, au sein du couple, mais cela reste un fait très minoritaire". L'association est bien dans sa mission féministe en tenant ce discours.

Concernant la position sur la garde alternée, je n'ai pas trouvé vos sources, je crois, Priscille. Ce que je trouve, c'est une réserve sur le fait que la garde alternée soit une règle énoncée, dans un contexte potentiel de violence conjugal, et un appel à avoir une réflexion au cas par cas. "«il faut rappeler les chiffres des violences faites aux femmes avant de penser que l’on puisse faire de la garde alternée une règle, il faut faire du cas par cas» (http://www.liberation.fr/societe/2014/03/07/entre-feministes-c-est-je-theme-moi-non-plus_985438).

Écrit par : Lise | 13/11/2014

A l'heure du mariage pour tous, si tout le monde était hermaphrodite, il n'y aurait plus de problème ... chacun choisirait son "genre" ... sans en avoir l'air ... arrêtant de "sanctuariser" certaines victimes par rapport à d'autres, privilégiant ainsi une "égalité (un égalitarisme ?) victimaire".

Écrit par : MM | 14/11/2014

Chère Lise,

C'est le seul film actuel que je connaisse où une femme est diabolique et sans excuse. Dire qu'il renforce des clichés hostiles aux femmes est tout de même "osé". A moins que les spectateurs ne voient bien sûr que ce film sur leurs écrans divers et variés.

Amicalement. Didier Specq.

Écrit par : didier specq | 17/11/2014

Les commentaires sont fermés.