Péripéties judiciaires

http://www.koreus.com/video/vol-trousse-ahmed-thomas.html

Selon France 2 l'immigration n'a aucun lien avec la délinquance. Bien sûr, c'est un peu étrange puisque, au moins pour la délinquance de rue et les cambriolages, on a un peu l'impression qu'on est plus tenté lorsqu'on est dans la misère. En gros, un fils de bourgeois à qui on a offert un beau scooter, n'a aucune raison d'être tenté de voler un scooter. Alors qu'une partie des pauvres pourrait éventuellement se laisser tenter plus facilement. Et comme les jeunes immigrés sont victimes de discriminations sociales, il pourrait se trouver qu'une partie bascule plus facilement dans la délinquance.

Bien sûr, l'immense majorité des jeunes, pauvres ou riches, n'est pas délinquante, nous parlons simplement d'un pourcentage un peu plus important ici ou là. De la même façon que les magouilles immobilières jugées au tribunal sont souvent commises par des gens travaillant de près ou de loin dans... l'immobilier. Ce qui ne veut pas dire bien sûr que ça n'est pas une infime minorité.

Mais, pour France 2 et en tous cas son émission infra-rouge animée par John-Pol Lepers et diffusée cette semaine, il n'y a aucun lien, aucun, strictement aucun... On se demande d'ailleurs pourquoi certains se fatiguent à payer des animateurs vers les jeunes des quartiers difficiles afin que personne ne bascule dans la délinquance.

Pour France 2, nous sommes victimes de stéréotypes. Un des tests filmés est particulièrement "amusant". Un petit garçon, mis en scène dans un jeu de marionnettes, constate que la trousse dans son cartable a disparu. Une marionnette dotée d'un prénom arabe (et présentée comme un peu plus bronzée) et une marionnette dotée d'un prénom français (et un peu plus blanche) sont désignées d'entrée de jeu comme des coupables éventuels du vol. Et les enfants, plutôt blancs et âgés de 5 ou 6 ans, vont désigner un peu plus (les votes sont partagés) le petit Ahmed comme coupable.

Et les "scientifiques" en psychologie de l'université de Clermont-Ferrand de conclure triomphalement que les enfants désignent préférentiellement un enfant maghrébin, c'est prouvé!

Une remarque pour commencer: on peut s'étonner qu'à une heure de grande écoute on piège à visage découvert des enfants et que la physionomie de ces mineurs ne soit pas floutée! On aimerait savoir d'ailleurs si les parents de ces enfants ont été avisés du but réel du test et du fait que les images seraient diffusées telles quelles à la télé...

Quand on regarde la classe, on s'aperçoit que la plupart des enfants, apparemment, sont "blancs". Ce qui ne correspond guère à de nombreuses classes de villes de banlieue. On peut s'étonner aussi que la victime présumée soit "blanche". On peut se scandaliser aussi que les enfants testés (alors qu'on ne voit pas le vol lui-même) soient avertis de façon péremptoire par les organisateurs du test qu'il s'agit d'un vol. Peut-être que la majorité des enfants, constatant la disparition de la trousse, auraient préféré dire d'abord que la trousse avait été perdue, oubliée, égarée... C'est d'ailleurs sans doute ce que dirait une institutrice en cas de disparition d'un objet: "N'affirmons pas tout de suite, sans savoir, qu'il s'agit d'un vol".

Enfin, il est un peu normal que ces enfants désignent préférentiellement (n'oublions pas qu'on leur intime l'ordre de désigner un voleur en choisissant entre deux suspects; pas de place ici pour la "présomption d'innocence" ou la simple prudence) quelqu'un qui leur paraît un peu plus "étrange" qu'un autre. Des enfants issus de la "diversité" auraient peut-être désignés le petit "blanc". Des enfants auraient peut-être désignés préférentiellement une marionnette moustachue par exemple par rapport à une marionnette qui ne l'était pas. Ou désigner un garçon par rapport à une fille. On n'en sait rien, il n'y a pas d'autres tests "scientifiques". Lepers est arrivé d'un seul coup à la conclusion évidente: les petits désignent forcément majoritairement un enfant issu de la "diversité". Devant de tels tests "scientifiques", qui risquent de dresser les citoyens les uns contre les autres, on éprouve comme un malaise...

Didier Specq