19/01/2015

Les décomptes de la haine

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On compte les actes "islamophobes", on additionne les incidents dans l'éducation nationale, on compile ce qui n'a rien à voir...

Les médias, souvent, donnent au présent de l'indicatif des décomptes fournis par un observatoire de l'islamophobie. Et, toujours au présent de l'indicatif, on fait état actuellement d'une augmentation des actes d'hostilité...

On ne va pas pointer le caractère douteux de l'accusation d'islamophobie qui semble sous-entendre que, dans une démocratie, on puisse ne pas aimer ou avoir peur de telle ou telle religion. Disons que cet observatoire, pour être plus exact, se donne pour tâche de traquer les actes contre les musulmans qui, eux, effectivement, sont intolérables et sont pénalement répréhensibles contrairement à une simple opinion.

Et rappelons au passage que, récemment, lors des discussions souvent enflammées autour du mariage ouvert aux personnes du même sexe, certains ne se sont pas privés d'émettre des opinions "cathophobes".

Force est de constater que les chiffres fournis par l'observatoire de l'islamophobie mélangent des faits graves -des dégradations contre des mosquées par exemple- et des injures dont la réalité ou l'importance sont forcément moins bien étayées. Bien sûr, on peut contester ces totaux qui mélangent un peu tout. Et s'étonner que les nombres et les pourcentages obtenus soient fournis sans conditionnel, comme s'il s'agissait d'enquêtes scientifiques ou d'organismes officiels.

Le plus grand danger, en réalité, c'est que, tôt ou tard, d'autres vont fournir d'autres statistiques. Quels seraient par exemple les résultats si l'on additionnait les incidents lors des minutes de silence dans les établissements scolaires ou les entreprises?

Martine Aubry vient d'en donner un exemple saisissant. Assumant ses responsabilités, la maire de Lille suspend trois agents municipaux vacataires qui n'ont pas respecté la minute de silence au lendemain de l'attentat contre Charlie Hebdo. Martine Aubry annonce dans la foulée qu'un des trois est l'objet d'une plainte pour incitation au terrorisme. Or, justement, celui qui est particulièrement visé par la colère de la maire conteste vivement cette relation des faits. Il affirme n'avoir voulu qu'expliquer la dérive des terroristes nés dans des quartiers difficiles. On verra ce que la justice, si elle se saisit effectivement de l'affaire, en dira. On sait que, déjà, lors de nombreuses comparutions immédiates, beaucoup de prévenus ont été condamnés pour apologie de terrorisme. Doit-on les additionner? Toujours est-il que, d'ores et déjà, on a intérêt à ne pas trop mélanger les torchons et les serviettes pour arriver à des décomptes contestables de la haine...

Didier Specq

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