07/02/2015

Carlton: les liaisons dangereuses

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Une prostituée, un avocat, un marchand de chaussures... Trois personnages pour des accusations très floues.

Bien sûr, dans l'affaire du Carlton, le rôle de la vedette médiatique est indéniablement tenue par D.S.K. Toutefois, dans cette affaire de présumé proxénétisme mondain, existent aussi les seconds rôles. Des personnages importants tout de même puisqu'ils permettent, à leur insu, d'aller, de fil en aiguille jusqu'à DSK. Indéniablement, sans la présence de l'ex-directeur du FMI, cette affaire n'aurait guère eu de retentissement et l'on peut même soupçonner que René Kojfer, le vieil indic ami des policiers, aurait continuer à oeuvrer dans l'ombre.

L'avocat, c'est Emmanuel Riglaire, une des premières personnalités à avoir été jeté en pâture à la curiosité publique puisque son nom, puisé à bonne source, apparaît dans les médias alors même que ce ténor du barreau de Lille est encore en garde à vue, "au secret" à la police judiciaire, pas encore mis en examen. A la barre, l'avocat mis en cause n'hésite pas à dénoncer un acharnement à son encontre: "Il fallait faire sauter l'avocat qui allait défendre les prévenus"...

Car, indéniablement, l'avocat brillant connaît toute la bande, à commencer par René Kojfer, 70 ans et indic depuis des lustres, ainsi que Dodo la Saumure, propriétaire de bars montants établi en Belgique. Emmanuel Riglaire les connaît pour une raison simple: il les a déjà défendus et cette bande suspecte fait partie de ses relations. C'est le lot de tous les avocats pénalistes puisque Soeur Emmanuelle ou Mère Thérésa ont rarement besoin d'une défense. Inutile de dire que, quand ça tourne mal, ces liaisons dangereuses font le miel des instructions judiciaires.

Car, dans cette affaire, on accuse tout simplement Emmanuel Riglaire d'avoir poussé à la prostitution M., une de ses clientes. L'avocat connaît M. depuis qu'il l'a défendue dans une banale affaire de pension alimentaire. La jeune femme, qui frise la quarantaine et connaît déjà les tribunaux, ne peut guère passer pour une jeune fille innocente jetée dans la prostitution par l'avocat. "Je m'étais réinsérée, la prostitution c'était fini. Quand je l'ai revu, il m'a poussé à me prostituer à nouveau" dit-elle en pleurant. M. raconte par ailleurs une histoire à la fois extraordinaire et triste où elle a été primitivement poussée à la prostitution par certains membres de sa famille. Elle a dû se soumettre à des princes saoudiens, elle s'est prostituée auprès de chefs d'états africains, elle cite des noms.

Comme le fait remarquer Emmanuel Riglaire, "personne ne vérifie ses dires ou ne se préoccupe de savoir si les dates concordent". Et d'ajouter: "Sur Wikipédia, j'ai cru voir qu'un chef d'Etat cité par elle était quasiment mort à la date indiquée".

Mais M. est d'abord une victime et accessoirement un témoin à charge des juges d'instruction. Une des accusations portée par M. semble tout de même s'autodétruire à l'audience: elle accusait l'avocat de ne pas la faire payer en échange de prestations sexuelles or elle dit au passage qu'elle a réglé 400 euros. "Après cette première affaire, comme j'étais amoureux et que nous avions des relations, pour les affaires suivantes, je l'ai toujours adressée à d'autres avocats" conclut le prévenu...

En bref, au bout de quelques heures d'audience, il apparaît que l'avocat, qui ignorait que M. se prostituait, et la jeune femme ont eu, pendant une bonne dizaine d'années, une vie amoureuse tumultueuse. "A certains moments, ce n'était pas ma maîtresse, c'était la seule femme dans ma vie" précise le prévenu.

On passe rapidement sur des accusations de sado-masochisme non prouvées et niées formellement par l'avocat mais auxquelles l'instruction a consacré de nombreuses pages. Autre accusation: vers la fin de leur liaison, l'avocat aurait envoyer M. auprès d'un ami marchand de chaussures afin que M. effectue une prestation sexuelle auprès du commerçant. "Pas du tout, c'est n'importe quoi, je l'envoyais chercher deux paires de bottes que je lui offrais et que j'irai régler plus tard" proteste le prévenu.

Là aussi, l'accusation semble éclater en plein vol. D'abord, M. affirme qu'elle a refusé tout service sexuel quand elle s'est trouvée face à face avec le commerçant: "Il y a des gens avec qui c'est impossible, on ne peut pas. Vous l'avez vu?" lance-t-elle au président en désignant le commerçant qui, effectivement, n'a pas l'air très flambant. Lui, par contre, assure que la relation tarifée a bien eu lieu et que c'était la première et la dernière fois qu'il voyait M.

Comme le commerçant à l'audience change sans arrêt de version, il est impossible aux magistrats d'éclaircir les propos du marchand de chaussures: affirme-t-il oui ou non que M. lui a été envoyé pour une relation sexuelle ou simplement pour acheter des bottes?

Ce troisième personnage, lui-aussi témoin à charge des juges d'instruction, va laisser une pénible impression. D'abord, ce client habituel de prostituées est incapable de mentir et de s'en tenir ensuite à la même version. A un point qui semble dégoûter tous les acteurs de ce procès! Le sommet est atteint avec une affaire de dénonciations minable. Nous sommes en juillet 2012, le dossier est presque clos et, dans un restaurant de Bondues, près de Lille, le commerçant négocie avec un professionnel un lot de chaussures. Kojfer est là. Dodo la Saumure entre par hasard. Le commerçant, qui dîne d'ailleurs avec ces deux amis qui s'installent à sa table, en profite, un peu plus tard, pour écrire une lettre de dénonciation à la juge d'instruction: Kojfer et Dodo ne respectent pas leur contrôle judiciaire qui leur interdit de communiquer entre eux. Ce qui vaudra quelques jours de détention supplémentaires pour Kojfer.

Détails: dans sa lettre, le délateur ment et affirme que les deux mis en examen étaient arrivés ensemble alors que c'est le hasard qui a les fait se rencontrer; à l'audience, le commerçant affirme que c'est un responsable de la police qui l'a incité à rédiger cette missive ce qui est bien sûr impossible et, au final, le commerçant explique à la juge qu'il espère que cette dénonciation jouera en sa faveur à lui... Bref, à la fin, on se demande quel rôle joue exactement dans la procédure ce personnage.

Vendredi soir, on sortait de la salle d'audience avec une sensation de malaise: ainsi, on peut être mis en examen sur la base d'accusations aussi floues venant de personnages aussi fragiles. Certes, souvent, dans ces affaires de moeurs, les constatations matérielles manquent. Cependant, à ce point-là, ce n'est guère rassurant...

Didier Specq

Commentaires

Emmanuel Riglaire "connaît" simplement ce beau monde pour avoir ete son avocat? Tu es gentil, Didier. Je sais qu il ne faut pas mettre un fait reel au travers d une belle histoire, comme tu dis souvent, mais là tu pousses le bouchon un peu loin dans la defense de ton copain.

Écrit par : bruno | 08/02/2015

Pourquoi Bruno n écrit pas au il était le journaliste choisit par la pj pour par exemple assister à l arrestation d un policier innocent ou faire circuler les photos de dsk avec Jade...
est il encore en mission ici ?

Écrit par : leblanc6259 | 09/02/2015

J'ignore de quel policier parle notre courageux anonyme. La theorie du complot a de beaux jours devant elle...

Quant aux photos de dsk avec Jade, si j'avais voulu les faire circuler, je les aurais publiées dans mon propre journal.

Écrit par : bruno | 10/02/2015

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