09/02/2015

Carlton: problèmes de vocabulaire...

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Les 214 pages de l'ordonnance de renvoi ressemblent parfois aux détails scabreux d'un roman de Gérard de Villiers. Problèmes.

Problèmes parce que, lors de l'examen public de l'affaire dite du Carlton, les détails les plus "hard" affleurent souvent. Grosso modo, le président Bernard Lemaire, dont les journalistes découvrent l'insubmersible noeud papillon et le calme olympien, évite au maximum le vocabulaire pornographique. Mais c'est parfois difficile.

Bien sûr, ce n'est pas par amour du dictionnaire érotique que Stéphanie Ausbart, la juge d'instruction vedette de l'affaire du Carlton, s'est attardée à ce point sur les détails lestes. La principale rédactrice de l'ordonnance, qui renvoie les quatorze mis en examen devant les juges, se trouve devant un problème juridique: comment rassembler des charges suffisantes pour que les prévenus soient effectivement poursuivis pour "proxénétisme". Pour une part des prévenus, ce n'est guère difficile: ils admettent avoir payé des prostituées pour les faire participer à des "parties fines", dans les années 1970 on aurait dit plus nettement "partouzes".

En revanche, pour des prévenus comme l'avocat Emmanuel Riglaire, dont on achevait d'examiner le cas hier, ou pour Dominique Strauss-Kahn, dont on commencera à décrire le rôle demain mardi, c'est bien plus complexe.

Certes, la loi sur le proxénétisme est très large (toute aide, toute incitation, toute protection à la prostitution d'autrui, etc) et permet de mettre en examen des protagonistes indirects.

Toutefois, pour d'autres mis en cause, poursuivis d'ailleurs sur les simples avis de prostituées parties civiles, c'est très aléatoire. D'autant qu'à l'audience, les accusations apparaissent parfois imprécises et changeantes.

Pour DSK, notamment, les magistrats instructeurs semblent estimer que les pratiques sexuelles des intervenants désignent à coup sûr la présence de prostituées. Si prostituées il y a, grâce à une interprétation très stricte de la loi, on peut peut-être estimer que DSK est une sorte de co-organisateur puisqu'il est le "roi de la fête", pour reprendre les dires d'une protagoniste, et que les "séances de sexe collectif" sont prévues en fonction de son agenda chargée. En conséquence, juridiquement parlant, ce pourrait être un "proxénète".

On détaille donc les "partouzes", à partir de questionnaires méticuleux et de multiples témoignages, afin de mettre en exergue les détails les plus scabreux. Pourquoi? Parce que, selon les juges d'instruction, les pratiques les plus osées prouveraient la présence de prostituées, des "femmes de mauvaise vie" en quelque sorte, prêtes à toutes les déviances sexuelles ou supposées telles.

Un raisonnement curieux: les prostituées seraient donc prêtes à tout alors que les femmes libertines se montreraient plus réservées. On sait que DSK affirme avoir toujours ignoré que certaines des participantes étaient des péripatéticiennes. Une des participantes rémunérée discrètement par les organisateurs qui ont avoué, défend d'ailleurs la thèse inverse: les amatrices de sexe sont prêtes à tout alors que les professionnelles se refusent à certaines pratiques et, à tout le moins, font payer les "spécialités".

Ainsi vont les audiences devant le président Lemaire: les discussions sur des points de droit alternent avec les conversations les plus osées... Pour le reste, hier, l'audience n'a pas amené de grands rebondissements: chacun est resté sur ses positions.

Didier Specq

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