09/03/2011
l'amnistie qui vient
Me Jean-Yves Le Borgne, une des stars du barreau de Paris, vient de réussir un joli coup dans le report du procès Chirac. Un coup qui pourrait déboucher sur une amnistie générale pour les délits politico-financiers. Marine Le Pen peut d'ores et déjà affûter ses arguments.
Rémy Chardon, défendu par Me Le Borgne, était donc un chef de cabinet de Jacques Chirac à la mairie de Paris. Les règles de la prescription sont au fond assez simples. Elles sont de trois ans en matière de délits ordinaires. Trois ans donc après la date de la commission des faits, si la justice ne démarre pas, c'est la prescription assurée. Toutefois, en matière de délits comme l'abus de confiance ou la corruption, la Cour de Cassation, de manière très constante, a considéré que le jour où démarrait le délai de prescription n'était pas la date de commission des faits; Mais le jour de leur découverte dans des conditions permettant les poursuites judiciaires.
Autrement dit, pour Rémy Chardon, la procédure n'a pas commencé dans le délai de trois ans après la commission des faits suspectés. Mais, bien après, lorsque les faits ont été découvertes au moment du changement de majorité à la tête de la mairie de Paris. Auparavant, ils étaient restés cachés puisque, bien sûr, les infractions politico-financières ne sont pas destinées à être opérées sur la place publique.
Cette jurisprudence de la Cour de Cassation est terrible, nous disent les avocats des puissants, car elle rend quasiment imprescriptibles les délits financiers.
Me Le Borgne soulève donc, au nom du principe constitutionnel de l'égalité de tous devant la loi, la question de cette jurisprudence. Elle serait inconstitutionnelle car le voleur d'auto-radios aurait plus de droits (si la justice n'a pas bougé trois ans après la date du vol, c'est la prescription) que le patron du CAC 40 qui, après avoir payé un diamant à son amie avec la carte bleue de sa boîte, peut être poursuivi très tardivement si, par le plus grand des hasards, un contrôle quelconque lui tombe dessus 10 ou 15 ans après les faits.
La question prioritaire de constitutionnalité ne peut concerner qu'une loi qui serait contraire à la constitution? En fait, pas du tout. Tout justiciable semble bien avoir la possibilité de contester une interprétation jurisprudentielle constante qui, de fait, a force de loi.
Si la question de Me Le Borgne reçoit une réponse positive, toutes les affaires politico-financières actuelles tombent à l'eau. Mieux qu'une amnistie générale... Marine Le Pen pourrait disposer ainsi d'excellents arguments sur le thème de la pourriture du système.
Didier Specq
01:04 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
J'ai confiance dans la justice de mon pays... Donc j'attendrai la position de la Cour de cassation pour me désespérer du "système". Après tout, comme vous le rappelez, des juges d'instruction indépendants ont réussi à arriver jusqu'au début du procès, quand le parquet, soumis au Garde des sceaux, a abdiqué à plusieurs reprises.
Je trouve d'ailleurs que les éditorialistes vont un peu vite en besogne en estimant l'affaire déjà enterrée et en annonçant que Marine s'en lèche les babines. Disant cela, plutôt que de tenter de faire oeuvre de pédagogie judiciaire (comme votre blog ou celui de l'excellent Eolas), ils jouent objectivement le jeu du FN. Ainsi, dans quelques semaines, ils pourront à nouveau éditorialiser sur l'inexorable montée de Marine Le Pen dans les sondages.
"Me Le Borgne soulève donc, au nom du principe constitutionnel de l'égalité de tous devant la loi, la question de cette jurisprudence. Elle serait inconstitutionnelle car le voleur d'auto-radios aurait plus de droits (si la justice n'a pas bougé trois ans après la date du vol, c'est la prescription) que le patron du CAC 40 qui, après avoir payé un diamant à son amie avec la carte bleue de sa boîte, peut être poursuivi très tardivement si, par le plus grand des hasards, un contrôle quelconque lui tombe dessus 10 ou 15 ans après les faits."
Si je puis me permettre de contre-argumenter face au talentueux Me Le Borgne, il me semble qu'il a tort : les citoyens restent égaux devant la loi. Si notre voleur d'autoradio commet un ABS, il aura, pour ce délit, le même délai de prescription que notre patron du CAC 40. Et celui-ci, s'il vole un autoradio, ne sera pas traité autrement que notre voleur (pour le délai de prescription, bien sûr). L'exemple vaut pour un pédophile qui volerait un autoradio ou qui commettrait un abus de biens sociaux. J'espère que mes exemples sont parlants.
Écrit par : Darth Vader | 09/03/2011
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