04/01/2012

Moins de jurés populaires (bis)

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C'est drôle comme la baisse du nombre de jurés populaires est passée inaperçue.

Vous connaissez, chers lecteurs, l'étrange comédie jouée par la droite et la gauche en 2011 en ce qui concerne les jurés populaires. En caricaturant à peine, la droite a expliqué que les jurés populaires, si on les plaçait dans les chambres correctionnelles, permettraient de durcir les jugements des magistrats jugés trop laxistes. En caricaturant à peine, la gauche a expliqué à l'inverse que les jurés populaires dans les chambres correctionnelles, c'est du "populisme" et qu'il fallait avoir une totale confiance dans la magistrature actuelle.

Par ci par là, quelques voix un peu dissidentes, à gauche, ont été moins formelles. Eva Joly, qui fut juge d'instruction, a expliqué que des jurés tirés au sort partout, c'est une bonne intention mais ce n'est pas possible. Quant au syndicat de la magistrature, il a souligné, à juste titre, que, si l'on considérait l'histoire judiciaire, les jurés ont en général étaient plus cléments que les magistrats professionnels.

Toutefois, à part quelques voix différentes, la comédie a été parfaite: la droite a réussi à démontrer que la gauche se méfiait du peuple tandis que la gauche a sans doute convaincu ses partisans que la droite était "populiste".

Quelques mois plus tard, que reste-t-il de ces affrontements? Une expérimentation dans quelques tribunaux correctionnels qui dépendant des cours d'appel de Toulouse et Dijon. Deux assesseurs tirés au sort qui ne seront même pas majoritaires face aux trois magistrats professionnels. Et le bouquet: moins de jurés dans les cours d'assises où ils passent de neuf à six!

Me Frank Berton, dans un entretien paru mardi dans Nord-Eclair a le mérite sur ce point: la diminution des jurés que l'avocat lillois estime être une atteinte à la souveraineté populaire.

Mais l'intérêt de l'interview de Me Berton est ailleurs: l'avocat pénaliste exprime un point de vue assez minoritaire qui consiste à dire que la motivation des décisions des cours d'assises, entrée en application depuis le 1er janvier, condamne le principe de l'intime conviction. Or, Frank Berton estime que l'intime conviction (qui consiste au fond à dire que les jurés et les magistrats des cours d'assises n'ont pas à expliquer leurs raisons) permet une certaine liberté de juger.

Frank Berton estime par exemple qu'en cas de viol contesté une cour d'assises n'aura peut-être pas le courage de dire que la présumée victime a menti. Alors que l'intime conviction aurait peut-être plus facilement permis de rester dans le vague tout en décidant par ailleurs un acquittement.

Ajoutons que Me Eric Dupond-Moretti ne partage pas du tout cette opinion. D'ailleurs, généralement, les avocats estiment que la motivation écrite des arrêts de cours d'assises permettra de revaloriser les preuves. Et aussi de ne pas interjeter appel à l'aveuglette puisque l'accusé saura exactement quels arguments de sa défense n'ont pas fonctionné.

Didier Specq

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