14/05/2012
Racolage passif...
Loin, très loin de l'affaire dite du Carlton...
C'est en 2003 que la loi sur le racolage passif a été proposée et aussitôt adoptée par la majorité de l'Assemblée Nationale. Il existait bien sûr une loi sur le racolage actif qui, avec sa définition et sa jurisprudence, permettait de réprimer les prostitué(e)s qui, par leurs vêtements, leurs attitudes, leurs propos, incitaient trop ouvertement et directement la clientèle potentielle à faire usage de leurs services. Mais la loi sur le racolage passif?
A dire vrai, c'est un oxymore. Cette figure de style permet parfois, en rapprochant deux mots contradictoires, de produire un effet littéraire. Mais, là, dans la vraie vie, il s'agit plutôt d'un rapprochement absurde, inconcevable.
Comme pour la loi sur le harcèlement (qu'une majorité de gauche, début 2002, n'a pas défini, ce qui a fini par entraîner son abrogation par le Conseil Constitutionnel), la loi sur le racolage passif est une loi de circonstance, purement idéologique parce que, à l'UMP ou ailleurs, on n'aime pas "voir" des prostituées. Bien sûr, les députés sont intervenus à la tribune pour évoquer "l'esclavage des femmes" prisonnières des réseaux internationaux de proxénétisme. Mais on sait bien que la répression du proxénétisme mafieux n'a rien à voir avec la répression des victimes. Car cette loi sur le racolage passif soumet les prostituées à l'arbitraire: comment, sinon, réprimer une prostituée habillée tout à fait normalement, qui ne dit rien, qui n'a aucune attitude équivoque? Comment constituer un délit, comme disent les juristes, avec une action (le racolage) qui serait par ailleurs strictement passive? Quel bel oxymore!
Nous passerons par ailleurs sur cette hypocrisie qui consiste à essayer d'interdire dans les faits une activité (la prostitution) par ailleurs autorisée. A rapprocher des tentatives récentes de certains députés de faire passer une loi réprimant les clients des prostituées. Là-aussi, on s'étonne: comment punir le client d'une activité par ailleurs autorisée? Au nom de quels principes? Ajoutons que, bien sûr, ces lois ne gêneraient guère la prostitution destinée aux clients riches dans des lieux confortables et discrets.
Concrètement, la loi sur le racolage passif, quand elle a été appliquée, a consisté à éloigner les prostituées des quartiers bourgeois pour les repousser dans des lieux périphériques, moins surveillés, plus dangereux et où l'activité des proxénètes est plus facile...
François Hollande, sagement, n'a pas émis de propositions spectaculaires pour la Justice. C'est un secteur de la société qui, effectivement, a plus besoin de réformes concrètes et sérieuses que d'effets de manche... Mais le nouveau président a promis d'abroger cette loi. Bravo.
Cette loi sur le racolage passif promettait au maximum deux mois de prison et 3750 euros d'amende. A Lille, à notre connaissance, elle n'a jamais vraiment été appliquée. Il est vrai qu'une pratique originale est observée à Lille: à l'ombre de la grande tour du tribunal de grande instance de Lille, les péripatéticiennes ne sont jamais loin.
Didier Specq
08:13 Publié dans Justice, Politique, prostitution | Lien permanent | Commentaires (0)
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