29/08/2012

Norvège-Belgique

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Norvège-Belgique: qui est le plus hypocrite?

La Norvège et sa copine la Suède passent souvent pour de petits paradis et rares sont les commentateurs journalistiques et politiques qui, à un moment ou à un autre, résistent à la tentation de donner des leçons à l'opinion française en citant en exemple tel ou tel aspect de ces deux pays scandinaves.

Ainsi, par exemple, on juge souvent exemplaire la législation suédoise qui "abolit" la prostitution et pénalise les clients. Il suffit pourtant de jeter un oeil sur l'abondante production de romans policiers suédois pour constater que les littérateurs n'ont pas l'air de croire que la Suède est un pays pacifié, sans cruauté pour les femmes et sans délinquance.

Mais revenons à la Norvège. Ce sympathique pays a aboli la peine de réclusion criminelle à perpétuité en 1971. Depuis la peine maximale s'établit à 21 années de prison dont 10 éventuellement incompréhensibles. C'est, apparemment, cool!

En toute logique, Breivik, qui a assassiné froidement une petite centaine de personnes, a été condamné à ces 21 années de prison. Les images télévisées en disent beaucoup sur la mentalité judiciaire de la Norvège: le néo-nazi a été jugé dans une petite salle sans aucun décorum qui ressemble à un tribunal pour enfants, les dimensions de la salle d'audience obligent les parties civiles, les avocats et les magistrats à se tenir à quelques mètres de l'assassin, procureur et magistrats serrent la main à l'accusé avant le démarrage de l'audience... Bref, tout baigne dans le meilleur norvégien des mondes possibles et le verdict est accueilli apparemment avec sérénité.

Rien à voir, toujours apparemment, avec la fièvre qui a saisi une partie de la Belgique à l'annonce de la libération de Michelle Martin, la compagne de Dutroux. Inutile de rappeler les détails affreux de cette affaire de pédophilie et de meurtres. En un mot comme en cent, Michelle Martin a été libérée "conditionnellement" après avoir purgé 16 des 30 années de prison auxquelles elle avait été condamnées. Une libération à mi-peine (sur la base d'un projet effectif de réinsertion) qui n'est guère différente d'ailleurs des pratiques françaises.

On imagine aisément la polémique en Belgique alors que, bien sûr, l'affaire Dutroux suscite toujours autant d'émotion. Après le verdict frappant Breivik, on peut aussi tracer des parallèles entre la passion belge et le sérénité norvégienne.

Il n'empêche que la Norvège, en fait, est bien plus dure que la Belgique: alors que Breivik a été reconnu sain d'esprit par les psychiatres norvégiens, on apprend qu'une commission peut maintenir en détention le condamné après l'expiration de sa peine tant qu'il est considéré comme "dangereux". Extraordinaire! En fait, la peine peut être prolongée sans fin et on nous explique benoîtement que le fanatique ne risque guère de retrouver la liberté! Bref, plus fort que le pouvoir judiciaire, une commission, dont je ne connais pas la composition et les pratiques, détient réellement entre ses mains la liberté d'un citoyen qui a purgé sa peine et a été reconnu sain d'esprit... Hypocrisie? En tous cas, je préfère les polémiques belges: elles ont le mérite de parler clairement.

Didier Specq

Commentaires

c'est franchement un web site admirable. Alors je link sur sur mon reseau cette actualite

Écrit par : assurance automobile | 29/08/2012

le paradoxe d'un petit pays avec de grandes horreur peut être.

Écrit par : leconteurbrulemaison | 31/08/2012

On peut être sain d'esprit et dangereux, je ne vois pas la contradiction (Mezrine, Bush, Duch (au cambodge), les crimes en bande organisé etc.)

Les deux actes pour lesquelles Breivik et Martin ont été condamné sont tous deux horribles mais pénalement différents.

Je ne crois pas que si Martin avait commis les assassinats collectifs de Breivik, elle aurait été libérée même avec un projet effectif de réinsertion béton !

Le débat sur la rétention de sureté, comme elle existe en France, mérite d'être tenu mais pas dans ces termes et avec une comparaison douteuse.

Écrit par : Véronique | 01/09/2012

Chère Véronique,

Ce n'est pas du tout un débat sur la rétention de sûreté. C'est plutôt une comparaison entre deux attitudes: un pays comme la Norvège qui passe pour une contrée très avancée mais qui en réalité autorise la détention après la purge de sa peine d'une personne reconnue par ailleurs saine d'esprit et les débats belges, peut-être plus brouillons et passionnés, mais que je trouve plus "sincères".

D.S.

Écrit par : didier specq | 02/09/2012

Vous vouliez peut-être dire incompressible plutôt que incompréhensible ?

Écrit par : naïve | 08/09/2012

Bonjour,

Effectivement Didier Specq a raison de critiquer la justice norvégienne, car c'est bien une hypocrisie, bon, on ne va pas plaindre Breivik s'il reste toute sa vie en prison, vu les crimes odieux qu'il a commis, mais c'est effectivement une hypocrisie, la justice se donne bonne conscience aux yeux du peuple, mais d'un autre côté une commission qui a l'air d'être opaque pourrait retenir n'importe quel citoyen en prison... les questions sont là ? Peut-elle retenir n'importe quel citoyen en prison ? En réfère-t-elle au peuple ?

Bien sûr, on n'a pas assez d'éléments pour critiquer cette commission, mais les Norvégiens se posent-ils au moins ces questions ?

Cordialement,

Écrit par : Casimira31 | 10/09/2012

Re,

Vous avez lu l'article de Maître Eolas ?

http://www.maitre-eolas.fr/post/2012/08/24/Un-petit-mot-de-droit-norv%C3%A9gien

Il explique les condamnations rendues par la justice norvégienne :

(Pour les crimes les plus graves (...), la justice norvégienne peut prononcer deux types de peines : les peines déterminées et les peines indéterminées.

La peine déterminée est la peine fixée ab initio : x années de prison. Le maximum prévu par la loi norvégienne est en effet de 21 ans, sachant en outre qu’au bout d’un tiers de la peine (soit 7 ans pour le max), la plupart des condamnés bénéficient d’amples permission de sorties, notamment des libérations sans supervision le week end, et qu’ils bénéficient d’une libération conditionnelle aux deux tiers, soit 14 ans, les prisonniers détenus plus de 14 ans étant rarissimes. J’ajoute que les conditions de détention en Norvège sont sans comparaison avec les culs de basse fosse que la République ose appeler ses prisons.

La peine indéterminée (“forvaring” en norvégien, “confinement”) vise à incarcérer le condamné jusqu’à ce qu’il soit considéré comme n’étant plus dangereux pour la société. Elle a aussi un maximum théorique de 21 ans et pose un minimum de 10 ans avant de pouvoir bénéficier d’une libération conditionnelle. S’il est toujours considéré dangereux, cette libération peut lui être refusée. Au bout de 21 ans, s’il est considéré comme toujours dangereux, il peut se voir rajouter 5 ans d’emprisonnement, puis encore 5 ans et ainsi de suite, sans limitation de durée autre que la vie du condamné, donc la prison à vie est théoriquement possible en Norvège. Cependant, le prisonnier, une fois ces 21 ans écoulés, peut être libéré à tout moment s’il est démontré qu’il ne constitue plus un danger pour la société. Le forvaring est donc très souple une fois écoulé le délai de 10 ans.)

Donc, il semblerait bien que Breivik a été condamné à une peine indéterminée...

Écrit par : Casimira31 | 10/09/2012

Casimira31.

Effectivement, c'est le point que je voulais souligner. Amicalement. DS

Écrit par : didier specq | 11/09/2012

Eh oui, la prison à vie existe bien en Norvège... ;-) Je ne pense pas que le forvaring sera souple pour le cas Breivik...

Cordialement,

Écrit par : Casimira31 | 11/09/2012

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