19/12/2012

Aide juridictionnelle: la réforme qu'on n'attend plus...

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La justice des désargentés toujours en panne de réforme...

Hier, le bâtonnier lillois Emmanuel Masson passait officiellement le "bâton" à Me Hélène Fontaine. Ce sera donc, pour la première fois et pendant deux ans, une bâtonnière qui va présider aux destinées des 1141 avocats lillois.

Hier, c'était un peu le temps des discours et des bilans. Me Emmanuel Masson, qui ne sera donc plus bâtonnier le 31 décembre prochain, revenait donc sur les deux ans écoulés.

"Une aventure passionnante" raconte le bâtonnier sortant. Mais aussi, après plusieurs grèves, une réforme toujours promise et jamais arrivée: celle de l'aide juridictionnelle qui vient en aide, avec des capitaux fournis par l'Etat, aux impécunieux. Soyons clairs: dans presque toutes les comparutions immédiates, une bonne part des instructions, un bon nombre de divorces, les hospitalisations forcées, le droit des étrangers, les réclamations des victimes, bref la justice au quotidien, les justiciables sont défendus par des avocats "gratuits", c'est à dire payés par l'aide juridictionnelle.

Le bâtonnier Emmanuel Masson précisait d'ailleurs que, récemment, lors des états généraux de l'aide juridictionnelle, il avait bien été précisé par les responsables du ministère de la justice qu'aucune augmentation notable de l'enveloppe globale n'était envisagée.

Mieux, la ministre Christiane Taubira a récemment précisé que les 35 euros, perçus par l'Etat au départ de toutes les procédures, ne seraient pas supprimés comme, pourtant, c'était promis dans le programme de François Hollande. Me Emmanuel Masson: "On nous explique même qu'il est déjà heureux que cette taxe de 35 euros ne soit pas augmentée! Concrètement, un salarié qui a été viré sans percevoir ses salaires est obligé d'abord de verser 35 euros s'il veut entamer une procédure devant les prud'hommes!"

Une hospitalisation forcée "vaut" par exemple 4 "unités de valeur" à 28 euros pour l'avocat. Autrement dit, l'avocat et son cabinet vont recevoir 112 euros pour aller voir le malade dans un établissement psychiatrique, lui expliquer péniblement qu'un juge va examiner sa privation de liberté et qu'un avocat va le défendre, va l'assister durant l'audience, va le revoir après pour faire le point et envisager éventuellement un appel... Bref, des heures et des heures de boulot dans des conditions difficiles qui plombent en réalité la comptabilité du cabinet. A Lille, le bâtonnier refuse désormais de désigner des avocats commis d'office pour les internements psychiatriques. Personne ne s'en émeut vraiment.

Inutile de dire que, par ailleurs, le budget général de l'aide juridictionnelle a été sérieusement perturbé par la présence, désormais légale, des avocats durant les gardes à vue.

Le bâtonnier Masson évoque d'autres sources de financement possible pour gonfler le budget de l'aide juridictionnelle. Une taxe minime par exemple sur les dizaines de milliers de contrats souscrits chaque jour dans chaque grosse agglomération française. Une taxe est possible également sur les contrats d'assistance juridique des compagnies d'assurance qui assurent d'énormes rentrées financières, sans beaucoup de contrepartie, aux assureurs.

Mais, là-aussi, le gouvernement reste aux abonnés absents. Ce qui ne change pas grand-chose d'ailleurs avec les périodes précédentes puisque cette réforme est promise depuis les grandes grèves de 2000. Il est vrai que ça n'est pas très grave: ça ne concerne que les clients les plus pauvres de la justice quotidienne.

Didier Specq

09:10 Publié dans Justice | Lien permanent | Commentaires (0)

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