17/03/2013

Démocratie et droits de l'homme selon la papauté

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L'élection d'un nouveau pape pour les 115 cardinaux réunis en conclave ne doit pas faire oublier quelques questions fondamentales.

On ne rappellera pas ici la longue opposition de l'église catholique, jusqu'aux premières années du siècle dernier, à la démocratie. Pourtant, l'idée que n'importe qui est l'égal de n'importe qui se trouve au coeur de l'enseignement contenu dans les quatre évangiles.

Ceci dit, le ralliement d'une bonne partie du clergé à la révolution française de 1789 montre qu'à la base les chrétiens avaient bien compris que la liberté, l'égalité et la fraternité n'avaient rien de contradictoire, bien au contraire, avec l'enseignement du Christ. D'ailleurs, dans un environnement majoritairement catholique jusqu'en 1950, comment les idées concrètes de laïcité, par exemple, auraient-elles pu passer dans les faits sans le soutien des catholiques de base? Comment l'enseignement public généralisé, autre exemple, aurait-il pu être possible alors que la grande majorité des instituteurs étaient catholiques au moins lors des grandes occasions de la vie: les naissances, les mariages, les enterrements...


Les catholiques sont confrontés cependant à une dé-christianisation assez généralisée et à la concurrence de nouvelles religions sur le sol européen. Comment réagir aujourd'hui à l'intérieur même de la démocratie généralisée, des idées d'égalité, de la loi identique pour tous, de la sécularisation de la morale?

La question concerne tout le monde car un Etat de droit part forcément du principe qu'il existe une égalité de droit entre les citoyens composant un pays. Cette égalité est prônée à la fois par l'Europe des Lumières et l'Europe Chrétienne, toutes deux nées d'ailleurs de la même matrice culturelle.

Force est de constater que Jean-Paul II et Benoît XVI ont exprimé des points de vue très différents.

Jean-Paul II, venu de Pologne alors que le rideau de fer n'était pas tombé, est visiblement d'abord partisan d'une alliance entre tous les croyants: le pape développe le dialogue inter-religieux, réunit les monothéismes occidentaux aussi bien que les Bouddhistes ou des représentants de religions amérindiennes à Assise, se rend dans les mosquées, s'excuse pour les croisades... Pour Jean-Paul II, des croyants -qu'importe la religion!- sont bien plus proches entre eux que n'importe quel croyant avec n'importe quel athée.

Benoît XVI va opérer un virage à 180%. Les rassemblements de dialogue inter-religieux à Assise sont mis en sommeil et, à plusieurs reprises, Benoît XVI va se fâcher avec les musulmans. Le conflit le plus célèbre, en novembre 1996, concerne un discours du pape dans son université d'origine, l'université catholique de Ratisbonne, en Bavière. Benoît XVI citait le dialogue érudit d'un empereur byzantin avec un intellectuel musulman. L'empereur, à tort ou à raison, critiquait la violence de l'Islam qui imposerait ses conceptions par la force. "Ne pas agir rationnellement, c'est agir contre la loi de Dieu" assurait l'empereur Manuel II critiquant les conversions forcées, les conquêtes à la pointe de l'épée, la soumission sans discuter des croyants et "l'absolue transcendance" du Dieu de l'Islam qui exclurait tout raisonnement rationnel.

Bien sûr, on peut faire le même reproche à bien des chrétiens intolérants. Il n'empêche que le discours de Ratisbonne était clair: contrairement à Jean-Paul II, le pape Benoît XVI semblait considérer que les catholiques étaient plus proches des incroyants rationnels et moins proches des croyants irrationnels. De violents incidents éclatèrent après ce discours, des églises brûlèrent en terre d'Islam, une religieuse fut assassinée.

Comment le pape François va-t-il procéder face à la sécularisation de la morale et des idéaux? Rien n'est sûr encore même si cette question reste fondamentale pour les sociétés démocratiques et celles qui aspirent à le devenir.

Didier Specq

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